Eloquence

Wolfgang Flür

par Pierre Van Genderen le 16/10/2015

Note: 7.0    
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On avait laissé Wolfgang Flür dans un état de profond ressentiment lors la publication de "Ich war ein Robot" (J'étais un robot), un livre qui retraçait la longue période, de 973 à 1987, où il fut un des quatre Kraftwerk, à la période dorée du groupe. Livre règlement de comptes avec le duo fondateur Ralf Hütter et Florian Schneider décrit comme diabolique, sur fond de dépossession de droits d'auteur et de tirages de couverture à soi. Un bouquin qui laissait à juste titre amers tous ceux qui avaient dans les années quatre-vingt tracé volontairement l'autoroute en pleine nuit pour écouter à fond "Trans Europ Express", "Metropolis", "Spacelab", "Europe endless" ou "Der Mensch Maschine". 

Le duo répondit à Wolfgang Flür, hurlant à l'infamie, lui consentant tout au plus un rôle de potiche, sorte de valet exécutant sur scène leurs partitions. Pourquoi diable le groupe se présentait-il alors comme un quartet, tant sur scène (où Flür avait son robot) que sur les pochettes (TEE, Mensch Maschine...). Le genre d'accusation qui motiverait n'importe quel musicien pour prouver le contraire.

Alors que depuis quelques années et encore aujourd'hui Kraftwerk ne sait plus que ressasser ses vieux morceaux, mais remplit les Maisons de la Culture et les lieux d'art avec un show hors de prix, Flür compose et crée son propre sillon, s'attachant à forger sa propre identité.

"Eloquence" est une compilation de ses œuvres en solo et collaborations depuis 2002. Une electronica somme toute basique où la mélodie tient une grande place, passant de l'assez métallique ("Axis of envy") à un jazz-lounge-pop parlé ("Golden light"), le tout parsemé de références kraftwerkiennes, comme si Flür prenait un malin plaisir à citer "The robots", "The model", "The telephone call" ou "Computer world" sans jamais les imiter, une manière de se désengager  du passé tout en prenant à témoin qu'il en fut un acteur prépondérant. 

On notera l'autobiographique "I was a robot" au mixage rappelant, un groove hypnotique à la Underworld, voix passée au vocoder citant l'autobahn, "Cover girl" suite revendiquée de "The model" à l'ADN à chercher du côté du Yellow Magic Orchestra et Giorgio Moroder, son riff central piqué à "Pocket calculator" (le morceau existait déjà sous le titre "Luscious lady’" (album "Homme beige" 2005), le très catchy "On the beam" chanté par l'ex Pizzicato Five Maki Nomiya... "Staying in the shadow" - collaboration avec Jack Dangers de Meat Beat Manifesto permet d'entendre la voix de baryton de Flür, mixé à un sample vocal qu'on jurerait sorti de "Tour de France" (le morceau utilise un EMS 3000, le vocoder vintage habituel de Kraftwerk)...

Musicalement, "Eloquence" est assez varié, mais même si le travail de Wolfgang Flür est inextricablement lié à son groupe passé, ce n'est plus du Kraftwerk (les inconditionnels de l'époque : à bon entendeur salut !).




Wolfgang Flür I was a robot (vidéo officielle)




© Capitol - Flür Homme Machine 1978
Flür Homme Machine 1978