Whitehouse

Zeitkratzer

par Hugo Catherine le 03/03/2012

Note: 9.0    

Nous sommes pris à la gorge par un free écorché vif, mené tambours battant. Les tambours justement, sur "Munkisi Munkondi", grondent dans un vacarme infernal. Des saxophones beuglent comme des sirènes démembrées. Ce son sombre fait place, sur "Nzambi La Lufua" à un grincement suraigu, à la limite du supportable. Voilà une souffrance à ne souhaiter à personne. Bonne nouvelle, la piste ne dure que trois longues minutes…
 
L’ensemble de l’album s’apparente ainsi à un test auditif d’horreur. L’intensité de violence sonore est parfois telle que nous recommandons vivement une écoute à faible volume, pour éviter de tomber dans une dense folie. Ainsi, "Scapegoat" superpose trois couches principales : en fond de cale, d’amples plages de basse enfouie ; au premier plan, des apports bruitistes ; entre-deux, un suintement continu suraigu. En somme, du bruit sur du bruit, comme d’autres font du blanc sur blanc.
 
Aux confins de l’audible, nous perdons nos repères. Zeitkratzer, c’est de la musique instrumentale, jusque-là, tout va bien. Mais quels instruments entendons-nous ? Le cuivre se mêle au bois qui se meut en percussion. Et combien peuvent-ils donc être ? Réponse : environ dix. Zeitkratzer est un magnifique ensemble dont le répertoire défrise : Karlheinz Stockhausen, Lou Reed, Carsten Nicolai, John Cage, Keiji Haino, Jim O’Rourke, James Tenney, Helmut Oehring, La Monte Young, Merzbow, Alvin Lucier… Et ici, William Bennett, qui, aux manettes de Whitehouse, a pris l’habitude de mêler expérimental extrême, torture sonore et recherche tribale : cela s’entend. Le morceau le plus représentatif de l’univers de Whitehouse est peut-être "Bia Mintatu", moment d’apocalypse et d’enfermement. Le temps long (plus de sept minutes) convient finalement bien à cette musique, imposant une transe cathartique. Les rythmes déglingués associés à une lourde cadence infernale rappellent l’univers gore de Naked City. Cette piste est une belle illustration de la torture par la torture (sonore) elle-même.
 
La durée courte de l’album, autour de la demi-heure, est amplement suffisante. Nous finissons groguis. Méfions-nous, la première écoute n’est pas forcément la bonne. Oui, l’album exige un zest de masochisme. Et alors ? Dès la deuxième écoute, vous en demanderez encore.