Noble beast

Andrew Bird

par Jérôme Florio le 30/01/2009

Note: 8.5    
Morceaux qui Tuent
Oh no
Masterswarm
Anoanimal


De disque en disque, Andrew Bird reprend et fait évoluer son noble artisanat, que l'on a découvert déjà très au point en 2004 avec "Weather systems". Toujours plus complexe mais de plus en plus léger , résultat d'une créativité débordante, "Noble beast" se révèle pourtant assez difficile à domestiquer.

Bird nous cueille d'abord avec deux titres d'un naturel et d'une liberté confondants : l'accrocheur "Oh no" et ses zébrures de guitare fuzz, puis "Masterswarm" qui commence comme un blues, avant de se laisser porter par des claquements de mains légers comme une brise d'été. On est sur la ligne chaloupée de "Armchair apocrypha" (2006), qui profitait de la proche collaboration du batteur Martin Dosh (ici présent). "Fitz & Dizzyspells" pourrait servir de bonne conclusion à un album sur une note enlevée ; mais on n'est qu'au troisième titre, et le menu que Andrew Bird nous a concocté derrière est très riche - à la limite du trop.

C'est presque un autre disque qui commence avec "Effigy", mid-tempo aux airs country chanté avec Lucinda Williams. Plus loin, c'est le Suédois Emil Stavängen (Loney, Dear) qui arrange "The privateers" comme une charge de cavalerie pop légère, avec choeurs vaporeux. "Nomenclature" change l'ambiance avec un lyrisme affirmé, sur fond d'une intrigante rythmique en roulis et de guitares ombrageuses - on pense à la Stina Nordenstam de "Dynamite", intouchable dans le genre. Avec des armes semblables, "Anoanimal" produit un effet très différent, plus atmosphérique, grâce à ses boucles de violon légères comme des voiles de gaze. Scindé en deux parties, ce titre est représentatif de l'inspiration que Bird puise dans la fracture grandissante entre une nature promise à la destruction (le picking folk de "Natural disaster"), et un genre humain coincé dans des considérations technicistes, abstraites, financières ("The privateers", "Nomenclature", le sociopathe de "Oh no"). Le tout est observé avec une bonne dose d'ironie et d'humour noir, qui se double sur "Masterswarm" d'une tournure poétique, fantastique - l'histoire d'un être qui "pousse" à l'intérieur du corps du narrateur.

Multi-instrumentiste, chanteur, siffleur et mélodiste hors-pair, Andrew Bird parvient à fondre ses talents dans un ensemble cohérent, riche et varié. Des bizarreries rendent cependant difficiles une vision globale du disque : par exemple l'utilisation de l'électronique sur "Not a robot, but a ghost", en apparence anecdotique, cache en fait une étrange ligne de violon et de basse, grave et claudiquante. Bien que très aéré, l'univers d'Andrew Bird est encore un peu autiste, ce qui nous empêche de rentrer complètement dans sa bulle. En finale type Alpe d'Huez, les sept minutes de "Souverian" pour lesquelles les jambes nous font un peu défaut. Puis "On ho !" (palindrome de "Oh no"), terre en vue, on débarque enfin sur un court arrangement instrumental de violons du plus bel effet (et sans recours à l'artifice scénique de l'oversampling) : il s'en est fallu de peu que "Noble beast" nous laisse aussi sans voix.



ANDREW BIRD Anoanimal (Live Minneapolis 2009)