Jumping the creek

Charles Lloyd

par Sophie Chambon le 31/08/2005

Note: 8.0    

Exaltation, mysticisme ? Il y a de tout cela dans le son et le phrasé de Charles Lloyd, un des pionniers du jazz, toujours en activité, à sa manière sereine et vibrante. S'il est l'une des figures marquantes du saxophone, c'est qu'on lui reconnaît une "aura" toute particulière, fondée à la fois sur une certaine communion dans la communication et sur un langage musical parvenu à son plus haut point de réalisation. On ne peut rester indifférent non plus au jeu de sa pianiste, la trop rare Geri Allen, toujours décidée et terriblement inventive. Un couple musical idéal que soutient dans ce "Jumping the creek", onzième album du saxophoniste chez ECM, le contrebassiste Robert Hurst (ayant travaillé chez les Marsalis, Tony Williams et Steve Coleman) et le jeune batteur Eric Harland (dernier accompagnateur en date de McCoy Tyner ) qui pourrait bien reprendre la place du "légendaire" Billy Higgins.

Le répertoire circule entre petites pièces pas si faciles ("Canon perdido") et d'autres plutôt longues comme la reprise troublante, en ouverture, du "Ne me quitte pas" de Brel avec un poignant solo au ténor. On aime aussi l'hommage personnel à Duke Ellington, ce "Come sunday" où il converse avec sa pianiste langoureusement avant de lui "passer" la direction des opérations. La version "revisitée" en ballade intemporelle, d'inspiration très coltranienne de "Angel oak", déjà sur le précédent album "Lift every voice" (2002), n'étonnera point les amateurs du saxophoniste, de même qu'une curiosité dans la palette largement déployée de son inspiration orientale dans "The Sufi’s tears", où il s'essaie au taragot (saxophone en bois d'origine hongroise), en duo avec Hurst à l'archet. On préfèrera à cette exotique pièce la saisissante "Georgia Brown suite" ou le final "Song of the inuit" tout entier dédié à l'improvisation en quartet.