The best of (1963-1978)

Cilla Black

par Francois Branchon le 31/08/2004

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
It's for you
Gypsies, tramps and thieves
Liverpool lullaby


Liverpool, Angleterre, 1963. La maison Parlophone (sous-marque d'EMI) cartonne avec les quatre loubards du nom de Beatles qu'elle vient de signer. Tout ce que le pays compte de managers est à l'affût dans le moindre pub, et n'importe quelle bande de jeunes armés de guitares en carton a ses chances. Y compris la fille du vestiaire de la Cavern, LA boite où tout a commencé.

La fille en question existe et elle a tout pour plaire : une Marie-Laure Augry rousse, l'air bécasse et voix de crécelle, elle ricane bêtement à tout bout de champ. Mais elle adore chanter, et c'est la seule du coin, alors Cilla Black est signée, programmée pour briller le temps de la mode, mais signée. Et pas par n'importe qui : Brian Epstein, manager des Beatles, qui a réussi son coup avec le directeur artistique d'EMI George Martin, a sa petite structure à Liverpool, NEMS, où il développe déjà les carrières de Gerry & the Pacemakers et de Billy J. Kramer. Avec le flair d'un MacLaren quinze ans plus tard, il va jouer la Cilla carte. Conscient du sex-appeal plat de sa protégée, il va en faire, non pas la belle-fille parfaite et encore moins la girlfriend idéale, mais la brave cousine, celle qu'on croise aux repas de famille, qui jamais ne mettra en danger l'intégrité d'aucun couple. Et ça marche si bien, que la cousine, si facile à identifier, va devenir monument national, statut qu'elle possède toujours aujourd'hui, quarante ans plus tard.

Ainsi, la "cloakroom girl" hérite du manager des Beatles et de tout ce qui va avec : les studios Abbey Road, Tony Barrow leur attaché de presse, le producteur George Martin et le meilleur du répertoire des grandes chansons anglaises dites de "variétés" (balisé par les Dionne Warwick, Shirley Bassey, Dusty Springfield ou Petula Clark), avec en bonus, trois compos exclusives de Lennon et McCartney, qui la chaperonnent pour ses premières télés. Des parrainages de luxe pour un succès fulgurant et durable. George Martin va la produire pendant 10 ans et elle aura un show TV à son nom dès 1964 (où Sacha Distel lancera sa carrière anglaise en 1965).

Cilla Black fête cette années ses quarante ans de carrière, EMI produit pour l'occasion cette anthologie de 81 morceaux, de la période 1963-1978 (au-delà, elle ne sera plus que présentatrice TV). Une réddition soignée, au livret très fourni mais qui a le défaut de ne pas respecter la chronologie.

Car écouter sa période sixties équivaut à brancher un juke-box sur ces années, toutes les grandes chansons de la radio anglaise sont là, reprises : "Anyone who had a heart", "Make it easy on yourself", "You'll never get to heaven" et "Baby it's you" de Burt Bacharach, "You've lost that lovin' feelin" de Phil Spector, "Dancing in the streets" de Marvin Gaye, "Misty roses" de Tim Hardin, "Child of mine" de Carole King, "Without him" de Nilsson, "I've been wrong before" de Randy Newman, "Yesterday" des Beatles, "Both sides now" de Joni Mitchell, "You'd be so nice to come home to" de Cole Porter, "Words" des Bee Gees et "Love's just a broken heart" de Mort Shuman ("L'amour est ce qu'il est")... Son premier tube "It's for you" ouvre le coffret. Signé Lennon et McCartney, c'est une parfaite petit perle "à la manière de" Burt Bacharach. Imparable. Et ici superposée à l'intro, la voix de Lennon la présentant à sa première télé, "beautiful girl, beautiful singer...". "Step inside love" en 1968 remet ça, voix fragile sur arrangements puissamment confortables, le duo sait y faire.

La troisième chanson qu'ils composeront pour elle sera enregistré sur l'album "Day by day with Cilla" en 1972, regain de lumière pour Cilla Black, aux titres des années soixante-dix nettement plus banals. "The long and winding road" est le coeur d'un album plutôt réussi avec les reprises de "Witout you" de Pete Ham, "Across the universe" des Beatles, "Winterwood" de Don McLean et l'excellent "Gypsies, tramps and thieves" de Robert Stone. Il faut aussi mettre au crédit de ses années 70 la reprise ultra-charmante en 1977 de "When you walk in the room" de Jackie DeShannon ("Les cloches sonnaient" de Claude François).

Les amateurs de chansons aux arrangements bien léchées, spécialité anglo-saxonne ignorée ici (seuls Françoise Hardy et Richard Anthony s'y essaieront), amateurs de Scott Walker ou de Dusty Springfield auront une oreille bienveillante pour Cilla Black, même si le personnage n'a pas la même épaisseur (supposée). Bien sûr, dès qu'elle pousse dans les aigus ça couine un peu et on cherche la burette d'huile, mais tout est si joyeusement et fraîchement chanté, sans états d'âme, que les chansons défilent, délassantes.