Au plus loin des souvenirs, Colosseum
fut le premier groupe anglais à proposer, dès la fin 1968, une
musique que l'on allait qualifier plus tard de jazz fusion,
pendant européen d'un mouvement esquissé aux États-Unis par
Blood, Sweat & Tears et Chicago Transit Authority. Mais les
découvrir devait cependant plus aux circonstances qu'à la quête
musicale : deux des membres fondateurs de ce Colosseum - le batteur
Jon Hiseman et le saxophoniste Dick Eckstall-Smith - venaient en
effet des Bluesbreakers de John Mayall, où en compagnie du Maître et de Mick
Taylor, ils venaient de commettre "Bare wires", un des plus
beaux disques de rock blues de l'année 68 - avec l'une de ses plus
belles pochettes.
Les apparences pouvaient encore tromper à l'entame des
morceaux : "Walking in the park" le premier et "Backwater
blues" n'étaient pas si loin de Mayall, l'exotique "Mandarin"
et son inattendu solo de basse rappellait les excellents East of
Eden, "Beware the ides of march" (aux sonorités Procol
Harum un peu trop appuyées) respectaient l'ambiance Bluesbreakers de blues
habité, mais très vite un mal semblait ronger ces garçons : rendre
l'instrument exubérant, débordant, pour semble-t-il compliquer les
choses à tout prix, comme si la qualité se mesurait aux prouesses
techniques. Le pompon revenant au batteur pourtant excellent Jon
Hiseman, incapable de rester simple, passant l'album entier (à l'exception de "Backwater blues") à
décomposer toutes ses rythmiques, imposant une présence assommante.
On comprend que le groupe se soit plus tard renommé Jon Hiseman's
Colosseum !
Il est une chose de s'habituer à ce rock jazzy,
construit, enchevêtré et énergique, mais une autre d'y trouver
autre chose que raideur et finalement froideur, par manque d'âme tout simplement.