Stage

David Bowie

par Francois Branchon le 27/03/2005

Note: 9.0    

En 1978, David Bowie vient d'opérer un déstabilisant mais terriblement excitant virage musical, "Low" et "Heroes", les deux premiers albums de sa collaboration avec Brian Eno sont parus, il s'y remet en cause (une audace alors récurrente chez lui) et aborde les plages instrumentales, l'ambient, l'exploration. Lorsqu'il annonce une tournée mondiale, nombreux sont ceux qui se demandent comment ces nouveaux morceaux passeront l'épreuve des planches et s'intégreront au répertoire classique.

Le double album "Stage" publié à la fin de cette année-là fut à cet égard très frustrant pour ceux qui avaient assisté à un show, car il dégageait une impression de grande froideur alors qu'en réalité, les concerts de cette tournée - passée par la France - étaient au contraire riches et intenses. Ses derniers oripeaux glam laissés au vestiaire, Bowie y était sobre, juste, chaque son et chaque geste à sa place, jamais superflu, toujours indispensable.

Éclairée par de seuls panneaux de néons blancs aux multiples combinaisons, la scène trouvait une âme, les musiciens à la fois discrets et efficaces (Carlos Alomar !), alternant dans un flux fluide les morceaux "classiques" et les nouveaux. Les producteurs du double vinyle ne durent pas le ressentir ainsi puisqu'ils en répartirent les titres selon leur "genre". Grossière erreur.

Erreur réparée par Tony Visconti, qui les présente dans cette réédition dans leur ordre "naturel" de scène, réintégrant en bonus "Stay", "Alabama song" et "Be my wife", supprime les "fadings" entre les morceaux du vinyle et parvient surtout à restituer la discrète et suave chaleur des concerts. Magie de la production, même les titres de "Ziggy stardust" semblent rajeunir et dater de 78, le vieux "Five years" débarrassé de son arthrose gagne en pêche, "Ziggy" rayonne derrière des synthés lumineux et son enchaînement avec "Art decade" coule presque de source. Les morceaux issus de "Low" ("Speed of life", "Breaking glass", "What In the world", "Be my wife", "Warszawa" et "Art decade") et de "Heroes" ("Beauty and the beast", ""Heroes", "Blackout" et "Sense of doubt") ont beaucoup d'allant, "Station to station" (the "return of the thin white duke"), pièce-maîtresse à tiroirs du concert est restituée avec toute sa majesté, "Stay" et "TVC15" la suivent pour terminer le concert en orgasme, en revanche "Alabama song" qui la précède fait regretter la version inégalable de résignation de Jim Morrison.

Quant au groupe, la paire rythmique Dennis Davis et George Murray, telle un pack dominateur installant son ouvreur dans un fauteuil, elle offre aux deux guitares de Carlos Alomar (robuste rythmique) et Adrian Belew (acrobate alors excitant, loin de ses vaines prestations actuelles) un cadre de rêve.