Remué

Dominique A.

par Rodrigue Ducourant le 01/04/1999

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
Exit


Par moments, on se demande si les disques de Dominique A. ne sont pas un accessoire de plus dans la panoplie fumeuse du jeune "à la génération X", son Houellebecq à la main, son t-shirt Agnès B., sa vidéo de "Un monde sans pitié" à la maison... Bref l'imagerie un peu cliché du ténébreux errant à la Bastille, le paquet de clopes vide... Stop ! Arrêtons de gober l'escroquerie générationniste, car cet album est une vraie claque, qui n'épargnera aucune tranche d'âge. "Comment certains vivent" vous met au tapis en guise de civilités : aucune concession ne vous est faite ! Les ambiances musicales ne sont guère plus conciliantes : un piano incertain et amer sur mélodie légère ("Avant l'enfer"), une clarinette évadée de chez Mark Hollis ("Le détour"), des riffs dans la gueule ("Comment certains vivent"), un violon à la mélancolie obsédante (le sublime "Exit", morceau de l'année !) sans parler des choix rythmiques ou des samples éclectiques (deux boucles de l'angolais Bonga dans "Rien qu'à voir"). Enfin des textes pareillement sans concession ont liquidé judiciairement le "22 bar" et font même surgir le spectre souriant de Léo Ferré sur "Pères" et "Surestimé". La voix androgyne de l'interprète agile joue aux ombres chinoises et c'est la silhouette de Barbara qui flâne sur "Le détour" ou "Je suis une ville"... Cet album, que l'on n'attendait pas (plus), est un "truc", une œuvre qui n'a pas peur de ses inspirations, qu'on pourra faire écouter fièrement à l'ami d'outre-Manche, à sa concierge comme au grand-père devenu sourd depuis la mort de Piaf, bref une œuvre universelle et classique pour longtemps !