Le condamné à mort (avec Jeanne Moreau)

Etienne Daho

par Francois Branchon le 27/04/2011

Note: 3.0    

Etienne Daho adore les sixties françaises - qui ici pourrait bien le lui reprocher ! - et se serait rêvé en bonhomme yéyé aux côtés de ses idoles Hardy et Vartan. Mais obsédé par ne pas être si simple, il s'acharne depuis toujours à cultiver une ambiguïté (sexuelle), un flou qui ajouterait à un supposé mystère, bâtissant un marketing fait de "signes" (départ du plan com : les homos glamoureux Pierre et Gilles pour la pochette de "La notte, la notte" en 1984). Le poète et dramaturge Jean Genet (1910-1986), sulfureux et maudit à souhait, ne pouvait échapper à sa petite épuisette de plage. Le titre "Sur mon cou", chanté sur scène depuis les années 90 , est précisément extrait du "Condamné à mort", long poème épique écrit en 1942 par Genet, alors en taule à Fresnes.

Décidé à conquérir son Graal, notre grand transgresseur s'attaque à l'intégralité de ce "Condamné à mort". Et là, il y a du lourd, l'œuvre elle-même d'abord, ses interprétations passées ensuite, certaines inoubliables.

Genet avait dédié Le Condamné à mort, à Maurice Pilorge, un jeune assassin guillotiné en 1939, personnage qui le fascinait, lui inspirant ses phantasmes pour le voyou à belle gueule et l'amour charnel entre prisonniers – thèmes repris en 1950 dans son film "Un chant d'amour".

A la suite d'Hélène Martin - qui l'avait mis en musique en 1962 et chanté sur un mode ultra-sobre et aride - on se souvient de Jacques Douai, martial de gravité, de Francesca Solleville, et bien entendu de l'immense Marc Ogeret en 1971, avec Hélène Martin encore à l'adaptation et à la guitare, un Ogeret à la voix "physiquement" parfaite dans l'expression du désir sensuel associé à la promiscuité glauque de la cale de ce navire ivre en partance pour le bagne... "On dit que la Guyane est une terre chaude"... "Chaque marin tient prête sa verge qui bondit dans sa main de fripon"... "Et c'est pour t'emmancher, beau mousse d'aventure, qu'ils bandent sous leur froc les matelots musclés"...

Alors, notre Daho en veste Armani dans tout ça ? Sans souci il transforme cette transpiration, cette moiteur et ce désir de cul en objet pop, une relecture sur papier glacé d'un des grands textes homo de l'Histoire, un Clo-Clo produit par le magazine Têtu... et que vient donc cautionner ici la grande Jeanne Moreau en Sylvie Vartan de rechange ?

Devient-on ambigu en cultivant l'ambiguïté, s'enveloppe-t-on de mystère en jouant les mystérieux ? Etienne Daho a voulu s'attaquer à un Everest, il n'a pas dépassé les boutiques à souvenirs de la vallée.



NB : Etienne devrait au contraire se contenter de prolonger le mythe yéyé, il y parvient fort bien, il y sonne "juste", et les "idoles" lui en sont reconnaissantes :


SYLVIE VARTAN & ETIENNE DAHO Quand tu es là (France 3 Septembre 2010)