Giant steps - Jazz en 100 figures (Collection Formes)

Guillaume Belhomme

par Francois Branchon le 30/04/2009

Note: 6.5    

Une accroche plutôt bien vue pour rendre cette "mini-encyclopédie" attractive : en lieu et place de biographies déjà connues de tous, Guillaume Belhomme choisit pour chacun des cent noms retenus cinq albums de leur discographie, censés être représentatifs, voire incontournables. Plus collection de critiques discographiques au final que dictionnaire encyclopédique de musiciens, le livre trouve là un intérêt de lecture agréable.

L'ouvrage se heurte cependant à une double subjectivité, le choix des musiciens et celui de leurs albums. Évacuons celui des albums : c'est le plus subjectif, à ce titre le moins discutable, chacun ayant ses chouchous de Coltrane ou de Miles Davis, et les lecteurs qui se trouveront des affinités avec ces choix particuliers trouveront là une sensibilité utile pour partir à la découverte d'autres albums.

En revanche, celui des artistes répertoriés pose davantage de problèmes. Car prétendre à "Une histoire du jazz, des origines à nos jours" lorsque, seul le jazz "américain" à l'exclusion de tout autre trouve grâce aux oreilles de l'auteur, ressemble tout de même à une petite imposture si l'on ne précise pas ce qui se cache derrière le "Une" histoire.... Quelques noms épars (sur les 100 cités) sont concédés à l'Europe, mais encore Michel Portal (France) ou Peter Brötzmann (Allemagne) jouent-ils un jazz bien américain, free ou non...

Rien de ce livre ne se fait l'écho de la culture européenne du jazz, celle qui emprunte à la culture classique
ou qui croise les influences. La Norvège, pour ne citer qu'elle, n'est pas sur la mappemonde de Guillaume Belhomme. Certes, un Terje Rypdal - qui est là depuis plus de 30 ans ! - est cité au fil d'articles, mais sans chapitre à son nom, pas plus que ne sont honorés Jan Garbarek, Bugge Wesseltoft, Jan Balke ou Jon Hassell... On pourrait décliner ainsi d'autres pays (Suisse, Allemagne, Danemark...) et d'autres figures (Erik Truffaz, Stephan Micus, John McLaughlin, Carlos Santana...).

Mais au final, on se demande si le jazz tel que considéré par Belhomme n'est pas plus restrictif encore, et si, le ver ne serait pas entré dans le fruit dès 1968 avec les expérimentations électriques, et pire encore de nos jours avec les "mêleurs" d'électronique. Et cette crainte nous amène à re-considérer le premier point, le choix des albums, et celui-ci s'éclaire alors différemment. Deux exemples, la sélection de Miles Davis s'arrête à "In a silent way" et laisse de côté tout le Miles post-1968, le Miles électrique et fou d'un monument comme "Bitches brew" (traité ici "d'assemblage grimacier")... Les albums de Pharoah Sanders enregistrés avec Bill Laswell, que Sanders voulaient écho des esprits africains de ses origines, sont évacués avec une grande condescendance ("musique atmosphérique à penchants universalistes frisant le new age"...).

A noter, un classement chronologique par année de naissance des musiciens qui ne rend pas aisé la relecture de fiches particulières. Le sommaire au moins aurait dû être alphabétique.

NB  : L'avant-propos de l'ouvrage annonce un deuxième tome ("Way ahead, Jazz en 100 autres figures"), une sorte de "rattrapage" pour les artistes plus singuliers, ou à la discographie plus mince. Espérons que l'Europe y retrouvera quelques uns de ses petits.