In search of space

Hawkwind

par Francois Branchon le 24/03/2002

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
You shouldn't do that
Children of the sun


Hawkwind se forme à Londres en 1968, à la fin de la période expérimentale de l'acide, quand Pink Floyd descend des échafaudages sur lesquels il donne ses concerts et s'apprête à embarquer le reste de l'Europe et l'Amérique dans son vaisseau interstellaire tout confort. Même époque, mêmes spasmes du côté de l'Allemagne où la Bavière voit passer au-dessus de sa tête de drôles d'aéronefs pilotés par un groupe répondant au nom bizarre d'Amon Düül, pas encore splitté en deux. La formation anglaise emmenée par Dave Brock (chant, guitare, claviers) et Nick Turner (flûte, saxo, chant), dont le nom vient d'une nouvelle de l'auteur de SF Michael Moorcock, enregistre en 1969 un premier album anodin. En 1971 le bassiste Dave Anderson quitte Amon Düül 2 (dont il est co-auteur des "Phallus dei" et "Yeti" !) et rejoint Hawkwind. "In search of space" concrétise cette arrivée.

Combinant les inspirations conjuguées de Pink Floyd (la dimension spatiale, le Moog, les délires électro-acoustiques, les vocaux des parties calmes), Amon Düül 2 (les rythmes incantatoires, l'improvisation débridée), Can (l'explosion free, la dislocation des sons) et Black Sabbath (le martèlement hypnotique et primaire), "In search of space" est un chef d'oeuvre fondateur, une des pierres angulaires de ce qu'on va appeller le "space rock". Tous les textes sont centrés sur les voyages intergalactiques vers des contrées imaginaires et le vinyle comportait un livre complet à ce sujet, le "Hawkwind log", textes astrologiques et mystiques, orné de moultes mantras, et malheureusement non restitué pour la réédition Cd. Sur scène, Hawkwind se lançait dans l'improvisation débridée, la démesure sonore, la danseuse (nue) Stacia flashée par les stroboscopes ajoutant à la déjante jouissive.

"In search of space" s'ouvre sur un monument, les seize minutes de la suite "You shouldn't do that", qui enchaîne les longues séquences hypnotiques, mêlant guitares, vocaux et cuivres déchaînés : départ du vaisseau depuis le même aéroport que "Astronomy domine" de Pink Floyd (croisière "Ummagumma") mais le plan de vol est nettement plus secoué, brutal, et les créatures rencontrées dans l'espace pas forcément éduquées. Cinq morceaux lui succèdent, plus courts, mais aux atmosphères similaires, "We took the wrong step years ago", ballade pseudo-calme cernée d'ovnis, "You know you're only dreaming" au démarrage tranquille vite balayé par une pulsion souterraine, un fleuve impétueux du dessous, et pour terminer, l'expérimental "Adjust me" auquel s'enchaîne le magnifique "Children of the sun", innocente (en apparence) complainte à la guitare rythmique acoustique, habitée de Moog et de riffs de guitare hantés, chantée comme sous hypnose, trois minutes qui laissent sous un charme vénéneux et sensuel, en apesanteur. Non sans raison. "Children of the sun" est le terme du voyage, la fin de l'apocalypse astrale, le calme amerrissage du vaisseau sur un lac acide au clair de lune, peuplé d'étranges poissons violets à deux têtes, mais la fin du trip.

"In search of space" était un album concept, un voyage aux titres enchaînés conclu par cette ode presque sereine. Mauvaise nouvelle : sa réédition Cd ne l'est plus, la plaie des "bonus" ayant sévi. Trois titres ont été ajoutés, qui déboulent alors qu'on rouvre tout juste les yeux (le chargé de la réédition chez EMI a-t-il écouté le vinyle d'origine ??), les singles parus en 1970 et 71, "Seven by seven" "Born to go" et le fameux "Silver machine" (le hit en Angleterre qui contribua à populariser Hawkwind).