Astounding sounds, amazing music

Hawkwind

par Alric Mabire le 30/06/2009

Note: 6.0    
Morceaux qui Tuent
The aubergine that ate Rangoon

spiraleAcheter


1976, année du changement.
Après une tournée quelque peu chaotique aux États-Unis, soldée par l'arrestation de Lemmy à la frontière Canadienne, après l'essai (et succès) au space rock doublé d'une touche de rock progressif sur "Warrior on the edge of time" (1975), Hawkwind change de planète, comme d'équipage. Lemmy est viré : lui qui avait prêté sa voix au tube "Silver machine", partira fonder Mötorhead, où l'attend un brillant avenir. C'est encore l'abandon du label United Artists qui marque le change : les leaders Dave Brock et Nik Turner n'apprécient guère de fréquenter les grosses maisons de disque, d'autant plus que le hit "Silver machine", malgré la renommée qu'il leur a apporté, leur est resté en travers de la gorge comme d'une visibilité commerciale involontaire.

Sur "Astounding sounds, amazing music", il n'est donc plus question des voyages cosmiques, aux allures apocalyptiques  et mélodramatiques, dans lesquels, depuis "X in search of space", les faucons ont assuré. La pochette le montre : en pastichant les fameux magazines de SF "Astounding stories" et "Amazing stories", le groupe s'oriente vers une thématique élargie, et étonnamment plus drôle. Il s'agira d'histoires, plutôt que de pistes, histoires racontées par la voix cristalline et théâtrale de Robert Calvert. Ce poète/chanteur rock et anarchiste, schizophrène de surcroît, s'était déjà illustré dans la conception du spectacle "Space ritual". Vous entendrez donc avec humour parler de loups-garous, de trips psychédéliques, de tapis volants, de machines à remonter le temps et autres… Le tout sans oublier les vilains bourgeois (et leurs dopplegangers) et quelques clins d'œil à la scène underground du moment.

Musicalement, l'album tranche nettement par rapport au précédent. Les morceaux se découpent entre pistes chantées et pistes instrumentales. Les premières, frôlant le glam-rock, sont entraînées par la voix inimitable de Robert Calvert, par une guitare groovy (presque proto-punk), un jeu de percussions extrêmement riche et intense (de même qu'il l'était sur "Opa-Loka" du précédent album) et une richesse sonore due aux ambiances dévoilées par les claviers de Simon House. "Kadu flyer", création de Nik Turner, sort du lot, en proposant un voyage psychédélique aux allures orientales, cithare et solo de saxophone à la clef. Les secondes pistes, quant à elles, semblent influencées par toute la vague du rock électronique, qu'elle soit allemande (et l'on ne peut s'empêcher de penser à Cluster, Harmonia, Faust...) ou anglaise (et c'est explicitement Brian Eno qui vient se coller comme influence principale : Robert Calvert a travaillé avec lui sur son premier album solo et Paul Rudolph, le nouveau bassiste d'Hawkwind, est aussi le bassiste de session d'Eno). Le jeu sur les rythmes est sûrement la perle de ces morceaux : percussions et basse gravitent autour d'un univers musical coloré et futuriste.

La réédition que propose Cherry Red Records mérite d'être signalée car l'album n'est pas aisément accessible (sauf peut-être en vinyle). Néanmoins, ses morceaux bonus "inédits" témoignent d'une lacune cruelle : "Back on the street" et "Dream of Isis" ne sont que des démos, alors que les rééditions cd précédentes (sur Griffin en 1995 et Sunrise en 2005) les incluaient dans leurs versions finales : les démos ne proposent en définitive que quelques hallucinations électroniques différentes doublées d'un son "garage" - autant dire rien de très croquant. On a la vague impression d'une écoute frustrée. Et pourtant ! "Back on the street" est d'une essence rock/punk hors norme, très similaire dans la forme à "Urban guerilla", single sorti en 1973.

Pour conclure, cet album très écoutable sans être parfait, est peut-être dénaturé par une réédition qui freine son expression artistique.