New moon

Jimmy Smith

par Elhadi Bensalem le 29/06/2007

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Going nowhere


Elliott Smith a fait un peu comme Bob Dylan. Il est passé de l'acoustique à l'électricité, du dépouillement timide de productions à trois sous à la solennité des grands studios, et a déçu en chemin plus d'un puriste. Pourtant, contrairement à Bob Dylan et malgré les apparences, il n'a jamais fait de folk. Lui-même s'en défendait par respect pour ce genre bien spécifique, revendiqué par beaucoup de baladins à guitares acoustiques. Finalement tout chez lui n'a été que pop, sous toutes ses formes. Cette musique sans Dieu ni maître que les Beatles ont emmené au sommet et dont il se disait qu'il voulait incarner ses deux leaders comme "ça serait chouette de devenir Superman". C'est justement cette modestie maladive couplée à une estime de soi au point mort qui lui a toujours fait occulter son génie. Génie qui lui a fait cotoyer les astres dans nombre de ses compositions.

Après le grinçant et surtout inachevé "From a basement on the hill", le double album posthume "New moon" propose une plongée en apnée naturelle dans les premières années exclusivement acoustique du songwriter avant qu'il ne cède progressivement aux sirènes de Rob Schnapf et Tom Rothrock pour des productions beaucoup plus étoffées, emplies du fantôme des fab four et de leur George Martin de producteur. Mixées et tracklistées par son archiviste Larry Crane, les chansons remontent à quelques exceptions près à l'époque de "Elliott Smith" (1995) et de son suivant "Either/or" (1997). Bien plus qu'un album posthume, "New moon" est une suite ininterrompue de petits chef-d'œuvres impressionnistes, de pièces maîtresses à poil, qui aurait pu s'appeler "Roman candle : le retour", tant les chansons proposées rivalisent largement avec celles publiées à l'époque. L'homme était certes prolifique mais surtout terriblement dépressif, ainsi on retrouve cette voix tantôt douce, tantôt bileuse.

Belles à pleurer, elles défilent en rang serré, "Going nowhere", "Go by", "New disaster"... qui laissent littéralement sur le carreau, incrédule devant cette beauté évanescente. "Looking over my shoulder" et son cheminement imparable dévoile un Elliott plus agressif dans le ton et les mots, comme excédé par lui-même. Des versions alternatives saupoudrent l'album : "Pretty Mary K" bien différente de celle de "Figure 8". De même pour "Miss misery" instrumentalisée au minimum syndical. Ce sera la ballade presque oscarisée, prêtée à l'ami Gus van Sant pour son film "Good will hunting", qui l'amènera le temps d'une cérémonie traumatisante à chanter non loin de Screamin' Celine Dion et son hit titanesque (qui remportera la statuette).
Quant à sa reprise du "Thirteen" de Big Star qui traîne sur les réseaux peer-to-peer depuis longtemps déjà, elle met définitivement à la lumière du jour l'évidence selon laquelle non content d'avoir été un Superman mélodique, il fût le fils caché de la paire Alex Chilton / Chris Bell, partageant le génie des deux et la détresse du second. On connaît la suite, malheureusement.