| | | par Sophie Chambon le 25/11/2001
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| Avril 1967 : trois mois avant sa mort, John Coltrane enregistre un de ses tous derniers concerts, en indépendant, à New York, au Centre culturel africain créé par son ami, le batteur nigérian Olatunji. Nous découvrons aujourd'hui ces pièces uniques, jamais éditées auparavant, où Pharoah Sanders, Jimmy Garrison, Rashied Ali, Alice Coltrane, Algie DeWitt et sans doute Jumma Santos, interviennent de façon décisive. Cette séance ne conclut pas l'ascension du soleil noir de la galaxie jazz mais souligne l'évolution constante, inéluctable de son engagement. S'entendent ainsi la frénésie, la fulgurance et aussi une certaine libération dans la restitution des deux seuls titres de l'album. Dans sa poursuite mystique, Coltrane ne pouvait qu'être intéressé par Ogundé, thème du folklore afro-brésilien, 'negro spiritual en dialecte africain' qu'il traduit en une longue supplication que les stridulations aiguës du saxo de Pharoah Sanders, la fusillade au piano d'Alice, et le pilonnage ininterrompu du batteur Rashied Ali rendent presqu'intolérables. Coltrane a inventé un nouveau langage, utilisant polytonalité et multirythmes pour raconter la déportation d'hommes des rivages africains vers ceux du Nouveau Monde. Puis Coltrane reprend une fois encore le standard de Rodgers & Hammerstein "My favorite things" qu'il transfigure dans une performance qui n'a plus rien à voir avec les autres versions créées régulièrement, depuis qu'il s'est emparé du thème en 1960 pour Atlantic. Le jazz est une musique improvisée qui ne devrait jamais se répéter. Pourtant, Coltrane était obsédé par la circularité. Il étire à plaisir "My favorite things", le disloque sur plus de trente minutes. Il n'a jamais cessé de jouer ce thème, le découvrant à chaque fois, comme s'il ne l'avait jamais joué. Il explore inexorablement les marges, conscient du décalage entre ce qu'il a déjà réalisé, et ce qui lui reste encore à créer. Il a 'cette obsession du plein, mais non de la saturation'. Après une introduction presque calme du fidèle Jimmy Garrisson à la basse, Coltrane au soprano, avec un son particulièrement aigre, souffle pour faire reculer la fin, s'engage dans un vertige sans limites, sa musique s'intégrant avec le reste de l'univers. Plus de quarante ans après sa mort, son oeuvre demeure l'aventure musicale absolue. Coltrane voulait déclencher l'émotion, atteindre le coeur et l'âme du public, aller contre l'idée de transparence et de contrôle pour plonger au coeur d'une origine que l'on ne connaît pas, "Heart of darkness". A chaque disque, il repoussait ses limites vers une nouvelle frontière. 'Le jazz a un goût pour l'inachèvement'. On le comprend peut-être mieux à l'écoute de "The Olatunji concert". |
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