Nashville

Josh Rouse

par Jérôme Florio le 08/02/2005

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Winter in the Hamptons
My love has gone
Streetlights


Josh Rouse prend le (petit) risque de créer la confusion autour du titre de son cinquième disque, "Nashville". Détrompez-vous, ceux qui pensent à la country à gros biscottos : après "1972" (2003), Rouse séduit à nouveau avec sa pop de plus en plus mâtinée d'americana. Il affirme comme un manifeste "mon Nashville à moi, c'est ça" - il se pourrait bien que cela devienne le nôtre aussi.

Les disques de Josh Rouse sont un reflet de sa vie : "Dressed up like Nebraska", "Home", "1972" et aujourd'hui "Nashville". Une façon accueillante de dire "voilà d'où je viens, et où j'en suis", et de renvoyer par ricochet la question à l'auditeur : "et vous ?". Né dans le Nebraska, Josh a ensuite habité en Californie, Utah, Wyoming, Dakota du Sud, Géorgie, Arizona… une sacrée bougeotte, pendant laquelle il a (paradoxalement ?) développé un goût pour l'introspection et les mélodies en accords ouverts, la pop anglaise des années 80 (l'enlevée "Winter in the Hamptons" fait penser aux Smiths (aaah !) pour la mélancolie ligne claire), mais aussi la musique américaine du début des années 70 : la soul satinée des disques de Carole King, Marvin Gaye, un son qu'il a recréé avec bonheur sur l'attachant "1972" (d'ailleurs l'énergique "Won't you tell me what" en rejoue le titre "Love vibration", avec un solo de piano blues).
Forcément, ça fait un peu femmelette chez les rednecks, et c'est à ça qu'on accroche, ce tempérament "happy sad" de petit mec qui aime les stations balnéaires hors-saison, en empathie avec les gars qui dorment la télé allumée pour se sentir moins seuls, et les filles qui écoutent leur chanson préférée au casque de la stéréo, trop fort, jusqu'à ce que les larmes leur montent aux yeux.

"Nashville ce sont les chansons. Ce n'est pas d'avoir l'air cool ou de porter les bonnes choses, c'est une question de pouvoir faire des chansons. Je trouve que c'est vraiment cool de pouvoir s'asseoir avec une guitare et d'avoir une chanson qui vient avec une grande mélodie, les bons arrangements de cordes et un bon feeling ". Voilà la différence d'ambition : quand Josh Rouse s'assied, c'est pour écrire une bonne chanson. Quand Garth Brooks s'assied, c'est pour faire caca. Le feeling est là, qui enrobe et parcourt le disque : tout est rond, franc du collier, chaleureux, une sorte de fantasme de soft-rock seventies ("Streetlights", "My love has gone") que Ron Sexsmith réussit également très bien. On flirte constamment avec l'americana : une utilisation de la pedal-steel rare sur un disque pop ("It's the nighttime"), des chœurs californiens ou soul qui sauvent "Caroliña" et "Saturday" de l'ordinaire, de l'harmonica sur la belle profession de foi "Life".

"Nashville" veut aussi dire ça : que l'on habite Trouville, Ploucville, Nashville ou Belleville (où sont mes racines ?), on est tous citoyens de cœur d'un même pays, celui des chansons, que Josh Rouse habite de mieux en mieux. On espère qu'il y a un bail à vie.