The contruKction of light

King Crimson

par Frédéric Joussemet le 20/06/2000

Note: 3.0    

Ce douzième album marque la trente et unième année de la vie discontinue d'un groupe mythique. Discontinue car depuis 1969, seul reste Robert Fripp guitariste et compositeur révolutionnaire. D'ailleurs dès la deuxième incarnation du groupe, nombre de fans contestaient déjà la filiation, King Crimson ne devant symboliser à leurs yeux que la première mouture, formation d'exception qui pondit en 1968 "In the court of the crimson king", bible de la création musicale et émotionnelle. Depuis, Fripp explique patiemment que le roi cramoisi n'est pas un groupe, mais un état d'esprit, poussant sans cesse les compositions dans des retranchements interdits au commun des mortels. Et c'était vrai... jusqu'à la re-formation en 1981. Le groupe actuel est un descendant direct de ce Crimson-là et en porte toutes les tares. Entouré d'Adrian Belew - guitare et chant - de Trey Gunn - "Warr" guitare, improbable rejeton d'une guitare et d'un monoski - et de Pat Mastelotto - batterie électronique - Fripp sort donc un disque à faire pleurer de rage les amoureux de leurs merveilles passées. Car si la musique a toujours évolué jusqu'en 1975 (dissolution temporaire), les constantes restaient : une musique belle, inventive et faisant sans cesse perler l'émotion derrière les notes. Ici, au détriment des sentiments, seule la virtuosité ressort, même pas au service du propos mais de l'ego des musiciens, géniteurs d'un mélange de hard-rock gras et de sons synthétiques (Pat a-t-il volé la batterie d'Indochine ?) laissant peu de place à la poésie. Les repompes de l'ancien répertoire sont alarmantes. Passons sur "Larks' tongues in aspic - part IV" qui pourrait être le titre de toutes les chansons, Fripp & Co utilisant son rythme si caractéristique à toute occasion. "FraKctured" montre plus l'orientation du groupe : issu de "Fracture" (MT de "Starless and bible black"), il n'en reprend que la partie purement technique faite d'arpèges croisés. Seulement, au lieu de créer l'ambiance et d'envahir l'esprit avant de laisser la place à un thème fulgurant, le groupe l'écrase, oppresse pour le seul plaisir vain de joutes musicales de virtuoses. Si une incantation pouvait rendre son âme à King Crimson, elle ferait du bien à l'humanité.