Hail to the thief

Radiohead

par Frédéric Joussemet le 02/06/2003

Note: 5.0    

La découverte de "l'objet" tant attendu pose d'emblée une première question : à quel degré de compréhension doit être prise la pompe toute royale de la présentation, tous ces “Monsieur” semés à tous vents, ces passés simples redondants détaillant les occupations de chacun...? Monsieur le chroniqueur n’ayant pas la réponse, il décida de passer à l’écoute de l’oeuvre (me dis-je, pris d’un désir de paraphrase). “2 + 2 = 5” est en territoire connu, revisitant “Paranoid android”, avec un schéma devenu prévisible, dans la construction comme l’enchaînement intro/voix/déchaînement. “Sit down, stand up” qui le suit n’apporte pas plus de matière à commentaires. Il pourrait être plaisant, mais - sans être déplaisant - ressemble trop à une variante de morceaux passés.
“Sail to the moon” est le premier titre en configuration Thom Yorke au piano (je dis bien Thom Yorke et pas Tom Lennon, et piano et pas piano-bar). La première impression rappelle “Pyramid song” (de l’album “Amnesiac”) mais on se met irrésistiblement à penser à la BO de Air pour le film “Virgin suicides”, et dès lors, impossible de s’en dépêtrer... “Backdrifts” a un son très recherché (le groupe a beaucoup bossé), mais n’est-ce pas le même qui enveloppait déjà “Amnesiac” ? On pense à Björk, mais surtout à l’inutilité d’enrober une voix aussi belle d’effets aussi superflus (doublages persistants). Gâchis... “Go to sleep” est un classique du Radiohead à trois guitares et “Where i end and you begin” (beau titre de chanson), est malencontreusement parasité par un solo de guitare chiant (on pense au rock progressif anglais finissant, Steve Hillage avec Gong par exemple). “We suck young blood” n’est pas nouveau (il était déjà joué sur scène depuis longtemps et donnait même son titre à un doc de la BBC). “There there” (le single radio) fait penser (par l’ambiance des guitares) à “Song No2” de Blur. Parfaitement banal, il ne décolle jamais, se contentant de la coupable facilité de mélanger des guitares et des voix autour d’une harmonie. “I will” est une relecture de “Exit music” de “Ok computer”, les voix jouant ici habilement le rôle naguère dévolu au mellotron. Tiens, l’intro de “A punch up at a wedding” est amusante : jouez en même temps celle de “Come together” des Beatles. Les pleins de l’une se superposent pile sur les déliés de l’autre. Impressionnant. “Myxtomatosis” est le premier morceau qui accroche l’oreille - tiens du nouveau ! Sa rythmique s’accorde à la dite maladie du lapin, adoptant la démarche du pauvre animal qui, incapable de marcher, sait juste sauter de travers et bondir. Résultat très syncopé, presque breakbeat. Avec “Scatterbrain” en fin de parcours, “Hail to the thief” achève de se mordre la queue, paraissant compiler à son tour un petit bout des morceaux qui l’ont précédé...
Au bout de cette écoute, puis d’une deuxième, il parait bien improbable que des clés apparaissent pour percer un improbable mystère. Tout dans “Hail to the thief” est de l’ordre du déjà entendu, sous une forme ou une autre, sur les plans de la composition, de la construction et du son. Comme si le groupe avait brisé ses œuvres précédentes en un puzzle qu’il aurait tenté de remonter, bancal et approximatif. Il est difficile de trouver une explication à cette double absence de remise en cause et de flamme censée illuminer son “retour au rock”. Alors, Radiohead à prendre au second degré, volontairement “picoreur” de sa propre discographie (“Salut au voleur”) ? Dernier disque dû par contrat à Capitol ? Disque posthume ? Groupe essoufflé et tari, noyant sa perte de nouveauté et d’originalité sous le vide de sa (grande) maîtrise technique ? Mais alors dans ce cas, pourquoi ne pas la jouer simple et, pour ne citer qu’un seul exemple, utiliser à fond la voix magnifique de Thom Yorke au lieu de la gâcher ? Si Radiohead débutait aujourd’hui avec cet album, il mériterait 9 et même 10, mais... (Sortie le 9 juin)