Shannon Wright est une des voix les plus singulières de la scène
rock de ces quinze dernières années, tantôt boule de nerfs ou
soft noise comme le titre justement une des chansons de ce
dixième disque.
"Division" commence en terrain connu, quoique très
accidenté, en reprenant le son lourd et pesant de "In film
sound" (2013). Shannon ne tarde pas à nous lâcher la main dès
"The thirst" où le paysage se vide de tout élément
superflu. L'instrumentation, resserrée et qui joue sur les
contrastes entre la pureté des sources sonores, montre sans aucune
ostentation une totale maîtrise qui évoque la délicatesse de Stina
Nordenstam (sortie des radars depuis trop longtemps) ou
l'ascétisme de Troy Von Balthazar. On cherche à tâtons son
chemin dans les chansons sans couplet ni refrain. A l'autre bout du
disque, en point de mire, le phare de "Light house (drags
us in)" indique qu'il faut se laisser guider par la voix ;
on trouvera de-ci de-là quelques chemins balisés par de délicats
arpèges de piano. Shannon Wright semble chanter depuis un endroit
isolé, à la fois prison et cocon, parfois presque hors d'atteinte
de l'auditeur ; on y voit une forme d'expression intérieure,
sans filtre, parmi les plus honnêtes qui soient permis d'entendre.
Shannon va tellement à l'os sur certains titres ("Seemingly",
"Way ward", abstractions plutôt qu'épures) qu'elle aurait
pu intituler son disque "Soustraction"... Cependant la
rébellion tonne aux trois quarts de "Soft noise", comme
pour laisser échapper un peu de pression.
"Accidental" est une réussite parfaite avec sa belle
palette de sonorités, faite d'électronique primitive, d'un piano
profond et de cordes dont la montée en puissance reste contenue,
sous tension. A l'heure du dixième disque, on peut dire que la
discographie de Shannon Wright est au nombre de celles qui comptent
vraiment.