En vingt ans de carrière, l’Américaine Shannon Wright ne nous a jamais déçu. Elle fait partie de ces rares artistes qui continuent à nous toucher comme au premier jour (depuis le EP "Perishable goods" de 2002 en ce qui me concerne). Composé et enregistré piano-voix, "Providence" n’est pas un exercice de style (à la différence de PJ Harvey avec l’ennuyeux "White chalk" en 2007) : sur tous ses disques précédents on trouvait déjà des balades poignantes et du piano, mais c’est surtout sur scène où elle a l’habitude de se produire seule que l’on a déjà eu un aperçu de ce qu’elle peut donner avec un clavier sous les doigts. La nouveauté ici réside dans le beau son puissant et profond du piano, et aussi la présence de deux compositions instrumentales – un pari casse-gueule qu’elle réussit haut la main tant elles sont bouleversantes, semblant dialoguer avec Erik Satie.
Pour le reste, c’est avec une intensité intacte, dans la douceur comme auparavant dans la tension électrique, que Shannon Wright égrène des chansons sur lesquelles elle remplit parfaitement l’espace – à noter des chœurs d’une grande justesse sur "These present arms" et "Wish you well". Jamais totalement à l’abri d’égratignures et de dérapages à la limite du contrôle - comment transformer en force des limites techniques - "Providence" éclaire une facette inédite de Shannon Wright, volontiers enveloppante et réconfortante.