Il y a un peu plus de quarante ans, au printemps 1977, les Ramones
s'envolent des Usa pour leur première grande tournée en Europe, une quarantaine de dates (dont une dizaine en Grande Bretagne et six en France en première partie des Talking Heads) dans de petites salles qui ne les dépaysent pas trop de leur planète
souterraine new-yorkaise gravitant autour du club CBGB, et la poignée
de fans agrippés à leurs basques. L'Angleterre cependant en redemande, et le public anglais, travaillé au
corps par un John Peel et sa BBC sur des braises, va les revoir dès décembre. Il se déplace cette fois en
masse, et c'est devant des salles de 5000 excités venus juste pour eux que les quatre
faux-frères, ahuris et paniqués, se jettent à l'eau. Cette mini-tournée
anglaise sera courte, huit dates, mais mémorable. Le groupe s'y
sortira tellement les tripes que leur label Sire, tirera deux ans
plus tard de ces concerts le célèbre double album "It's
alive", référence ramonienne indépassée, pilier de toute
discothèque rock digne de ce nom, fidèle témoignage de la
cérémonie mécanique, millimétrée et speedée qu'était un
concert des Ramones.
Pour fêter dignement les quarante ans, Rhino met les petits gabba
gabba dans les grands en annonçant des dizaines d'inédits à
travers l'intégralité des quatre concerts enregistrés professionnellement sur les huit : Top Rank de Birmingham
le 28 décembre 77, Victoria Hall de Stoke-On-Trent le 29, Friars de
Aylesbury le 30 et Rainbow de Londres le 31 (seul ce dernier ayant
fourni la matière de "It's alive").
Le travail de restauration, remastérisation et mixage (Ed
Stasium), sur Cd comme sur vinyle, est impeccable, l'objet fidèle à
la série "Anniversary" de Rhino (Doors, Love, Fleetwood
Mac...) avec un packaging soigné au format 30 cm, plus un très beau
livret signé Steve Albini et Ed Stasium. Les concerts inédits
brillent par leur pêche et leur énergie, mais surtout par leur
similarité, car que ressemble le plus à un concert des Ramones
qu'un autre concert des Ramones, les anti-Grateful Dead sur ce
plan-là ?. En cette année 77, ils n'ont que deux albums au compteur
("Ramones" et "Leave home") et les passage sur
scène sont métronomiques - invariablement les mêmes 28 morceaux en
54 minutes -. C'est évidemment le cas ici, 4 concerts et 4 Cd
identiques (ou presque, le concert de Birmingham n'a pas “Havana
affair” ni “Judy Is a punk” mais “I can’t give you
anything” en plus)
Alors, avertis des capacités d'espièglerie des hommes de chez
Rhino, on se prend à imaginer un pied de nez en grande largeur, un
écho de leur penchant passé pour l'hallucinex quand ils publiaient
le Temple City Kazoo Orchestra (ici chroniqué), les hurlements de
Wild Man Fisher dans un stade ou les pensées de Ronald Reagan (une
cassette C30 vierge)... Et si les Ramones étaient une occasion de
ressusciter cette folie absurde et jouissive des débuts en écoutant leur concert quatre fois à la suite ! Pris
ainsi, ce quarantième anniversaire de "It's alive" prend
une toute autre saveur.