Wovenhand

Wovenhand

par Francois Branchon le 26/06/2002

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Wooden brother
The good hand


Cela ressemblait à du gâchis. En dépit d'un gros succès, 16 Horsepower avait arrêté sa dernière tournée avant terme "pour s'accorder un break". Divergences d'ordre religieux paraît-il... Et après la publication d'un projet solo du bassiste ("Lilium"), l'annonce selon laquelle les morceaux prévus pour le prochain album feraient l'objet d'une sortie sous le nom du leader et chanteur David Eugene Edwards répandit une sale odeur de roussi, et prit l'allure du chant du cygne d'un groupe à l'américana flamboyante, presque gothique et frôleuse d'apocalypse. Et miracle, 16 Horsepower s'est reformé, et Woven Hand est présenté comme le premier volet d'un triptyque (le deuxième étant un album de 16HP et le troisième une collaboration entre Edwards et Dan Smith de Danielson).

David Eugene Edwards est un chanteur immédiatement identifiable et ses messages n'ont pas changé. Dès la première ligne de "The good hand" ("I am nothing without his ghost within"/"Je ne suis rien sans SON fantôme à mes côtés"), la première des innombrables références à sa foi, il est évident qu'on est en territoire connu. Sans partager cette foi, il est évident de constater qu'elle est LA sève qui irrigue ses mots, une force qui donne puissance et force à sa voix, et du carburant à sa musique. Musicalement Edwards a pris en charge l'essentiel des instruments (guitare, banjo, accordéon) et a juste invité un guitariste sur une poignée de morceaux. Les arrangements donnent aux morceaux beaucoup de place pour respirer, plus qu'ils n'en avaient avec le groupe au complet, et la production minimaliste oblige Edwards à faire reposer les impressions sur l'atmosphère plutôt que sur la puissance d'assaut d'un groupe. C'est ainsi que, sans jamais être infidèle à l'esprit 16 Horsepower, David Eugene Edwards se révèle varié et éclectique.

Par moments la musique atteint l'amplitude (plénitude) des regrettés Triffids ("Story and pictures", "The good hand", "My Russia...), l'introspection d'un Nick Cave ("Ain"t no sunshine") ou une sérénité ensoleillée, sur le calme "Glass Eye", ou le fouetté et extraordinaire "Wooden Brother", fourré d'harmonies presque celtiques, d'une voix par moments vocoderisée et d'une slide guitare à la Chris Isaac. Il continue aussi sur sa récente lancée de reprises surprenantes (on se souvient du "Chant des partisans" de Anna Marly en compagnie de Noir Désir), c'est ici le "Ain"t no sunshine" de Bill Withers qui hérite d'un traitement folk au banjo, ou l'art de sortir un classique de son contexte et de le rendre presque effrayant, faisant muter une ballade sensuelle et calme en complainte obsessionnelle.

Ceux d'entre nous qui se sont gravement brûlés au feu sacré de "Sackcloth 'n' ashes", premier album de 16 Horsepower, expressif et exalté, au "drive" monstrueux - et plutôt emmerdés avec le deuxième "Low estate", trop le même, mais en moins trouble, moins malsain, moins passionné, "moins tout", comme si le Saint Esprit qui habitait le très religieux David Eugene Edwards avait soudain déserté les lieux - constateront avec Woven Hand le retour de la flamme. David Eugene Edwards s'est offert un deuxième fauteuil club au paradis. Il pourra y poser ses pieds pendant que d'autres courent toujours après leur premier strapontin...