Pink air

Elysian Fields

par Jérôme Florio le 21/10/2018

Note: 8.0    

Cela fait plus de vingt ans que l’on se vautre jusqu’au cou dans les jupons lourds et soyeux du groupe new yorkais, rendus captifs par une alternance savamment dosée de claques et de confidences sur l’oreiller. On se dit qu’il faut que les choses aillent vraiment mal pour que Jennifer Charles et Oren Bloedow daignent quitter leur alcôve pour descendre dans l’arène ; l’humeur bagarreuse qui court sur "Pink air" trouve son ferment dans l’actualité.

Exception faite du hérissé "Clinical trial"  (1997, produit par Steve Albini et jamais sorti), le duo s’est jusqu’à présent montré plus à son aise dans des eaux troubles mâtinées de jazz. "Storm cellar" pose cependant des bases rock solides et faussement simples, avec un solo tordu et ligne claire de Bloedow - qui pour nous n’en fera jamais trop. Alors que l’on frôle l’ordinaire avec les guitares très années 90 de "Star sheen", "Beyond the horizon" installe l’ambiance atmosphérique et enveloppante, émaillée de cuivres (trompettes), dont ils détiennent le savoir-faire depuis l’excellent "The afterlife" (2009). Plus groovy avec son riff rauque, "Tidal wave" est imparable ; ça y est, on est à nouveau prisonniers de ce diable de groupe, puis lâchés dans les méandres de "Karen 25", bizarre histoire de science-fiction dystopique jouée lourde et au ralenti.

La deuxième moitié du disque contient ce que le groupe peut faire de plus "politique" : la référence au Tea Party sur le texte mordant de "Start in light", "Philistine jackknife" et l’épique "Knights of the white carnation" au riff hard rock ; on était jusqu’ici plus habitués à des adaptations de poèmes d’Edgar Poe, ou de musique juive sépharade (leur autre projet La Mar Enfortuna) que de considérations, si imagées soient-elles, sur les Etats-Unis en 2018… "Pink air" démontre un sacré caractère, surtout de la part de Jennifer Charles très à l’aise vocalement dans tous les registres.

"Household gods" nous replonge dans ce que le groupe peut produire de plus capiteux. Comme souvent, Elysian Fields cherche l’échappée belle et s’envoie en l’air à la toute fin : "Time capsule", un entre-deux mondes charnel, émouvant et mystérieux.




ELYSIAN FIELDS Karen 25 (Clip 2018)