Fleetwood Mac - Super Deluxe Edition

Fleetwood Mac

par Francois Branchon le 03/04/2019

Note: 6.5    

Fleetwood Mac est un paradoxe : les deux braves musiciens rythmiques qui lui donnent son nom, Mick Fleetwood (batterie) et John McVie (basse), les seuls présents depuis le début (1967 !) n'ont jamais eu la moindre influence sur la musique produite, le Mac ayant toujours été sous influence. Du guitariste-compositeur-chanteur de génie Peter Green dans une première vie (sommet : "Then play on", 1970), puis de Danny Kirwan quand il prend le relais d'un Green largué (sommet : "Bare trees", 1972) et enfin du couple capillaire Stevie Nicks/Lindsay Buckingham dans une troisième vie, inaugurée en 1975 avec cet album éponyme, aujourd'hui luxueusement réédité par Rhino avec moultes bonus.

En 1975 Fleetwood Mac sortait du trou. Danny Kirwan finalement viré lui aussi fin 72 - et l'inspiration avec - le passage des deux guitaristes suivants, l'anodin Bob Weston et le subtil Bob Welsh laisse deux albums transparent, "Penguin" (Reprise 1973) et "Mystery to me" (Reprise 1974, où figure cependant l'immense "Hypnotized"). Parti s'installer aux États-Unis, le Mac recrute un couple quasi inconnu, le guitariste coiffeur Lindsay Buckingham et la shampouineuse à voix de crécelle Stevie Nicks, auteur d'un album de country-rock assez anodin ("Buckingham Nicks" Polydor 1973 où ils posent à poil sur la pochette).
Étrange rencontre, étrange choc de cultures. Mais ce mariage improbable de carpe anglaise et de lapin californien va accoucher d'un rock Fm basique, que la production de Keith Olsen va sophistiquer à l'extrême, tant musicalement que visuellement, avec Christine McVie acceptant de se relooker en blondasse de luxe et surtout Stevie Nicks en imparable attrape-mâles consommateurs américains.
Et ce genre pompier accrocheur va marcher du feu de Dieu ! "Fleetwood Mac" (Reprise 1975), premier album de la nouvelle formation va escalader les charts américains.

Le virage est signé d'entrée avec "Monday morning" de l'entrant Buckingham et "Rhiannon" de Nicks, tous deux de la même veine, du genre répétitif casse-couilles. Elle se rattrape quelque peu avec un "Crystal" dans une lignée Emmylou Harris. Heureusement, l'album est sauvée du désastre par les compos de Christine McVie. En 1975, la Chris Evert du rock n'est pas encore la future potiche sclérosée d'un Fleetwood Mac machine à dollars percluse de problèmes d'ego. Là, l'ancienne égérie du British blues boom se souvient de son talent de pianiste, de chanteuse sachant être poignante comme aux temps de la Christine Perfect qu'elle fut dans le Londres de 67 avec Chicken Shack, et encore à l'abri des canines Nicks, gratifie l'album de sa balle voix voilée, parfaitement soulignée par les solos plutôt raffinés de Buckingham. "Over my head", "Say you love me" et "World turning" sont excellents, "Warm ways" et "Sugar daddy" les complètent agréablement. Il faut aussi rendre justice à Buckingham, auteur sur la fin de "I'm so afraid", morceau superbement tourné qui devrait plaire aux amoureux de Barclay James Harvest.

Bémol notoire, la production accouche d'un son étriqué, riquiqui. Pourtant, Keith Olsen qui s'y colle n'est pas né de la dernière pluie. L'ancien Music Machine, découvreur de Nicks et Buckingham est un producteur-faiseur reconnu, à grande souplesse de jambes : passer du "Terrapin station" de Grateful Dead à Whitesnake via "Little darlin" de... Sheila dénote une science certaine du grand écart.
En bonus, quatre versions single, "Rhiannon" est intéressante, la guitare invitée à bavarder se régale, et sur "Over my head", l'ajout d'une guitare acoustique et de percussions en font une chanson dont l'exotisme aurait pu (dû) être une piste à suivre...

Cette réédition Rhino est luxueuse, avec le Lp original, sa version Cd augmentée des quatre titres parus en singles, un Dvd des mêmes en 5.1, un Cd de démos et enfin un Cd de la tournée qui suivit qui mérite l'attention. Car curieusement, le concert n'est pas la seule récitation promotionnelle des titres, mais un retour parfois osé sur des pierres blanches du passé : le génial "Station man" de Danny Kirwan (sommet de "Kiln house" 1970), "Spare me a little of your love" de Christine McVie ("Bare trees" 1972), "Why" et le déjà évoqué "Hypnotized" de Bob Welsh ("Mystery to me" 1973) dont ils donnent une version très longue et planante. Ils osent même l'impossible en s'attaquant à "Oh well" de Peter Green (1968) mais plus risqué à son immense testament "The green Manalishi" (1970) que Lindsay Buckingham tente fidèlement de reproduire, gâché par les bêlements incongrus de Stevie Nicks au final. Pauvre Peter...



FLEETWOOD MAC Over my head (Audio seul 1975)


FLEETWOOD MAC The green Manalishi (Live 1975)