The Vaudeville years ("Then play on" Sessions)

Fleetwood Mac

par Francois Branchon le 13/08/1999

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
The green Manalishi


On parle ici d'un temps ancien, où le Fleetwood Mac était une famille de musiciens anglais élevés au blues et au rock'n'roll, joyeuse bande déconnante lancée par John Mayall et obnubilée par la seule musique et le plaisir de la jouer. Plus tard, une shampouineuse et son amant coiffeur, allaient en faire une machine Fm. Mais, cessons de nous faire du mal !....

A la fin 1968, après deux albums emplis de reprises de bluesmen noirs américains, le Mac recrute un jeune roadie à tête de page, guitariste doué et inconditionnel de Peter Green, le blond Danny Kirwan. Jeremy Spencer, deuxième guitariste en titre du groupe voit d'un plutôt mauvais œil l'arrivée d'un troisième larron sur le devant de la scène. Mais Green a son idée (appuyée par Mick Fleetwood, manager officieux du groupe) : développer une musique entre blues et pop, imaginer une troisième voie entre les Cream, les premiers Mayall d'une part, la pop d'un Jethro Tull ou d'un Nice d'autre part. Une voie tentée par les Yardbirds en 1967, mais vite embourbée sous les problèmes d'ego.

"Then play on", le troisième album (qu'on nommera ici "TPO"), sort en septembre 1969 avec treize de la quarantaine de titres mis en boite durant six mois de studio à New York. Il est sublime, parfaitement abouti, gardant le blues comme assise, mais autorisant ses guitaristes Green et Kirwan à s'aventurer sur les sonorités pop et s'entremêler dans de renversants duos. Pour la première fois, un album du Mac ne comporte aucune reprise de standard blues. Jeremy Spencer n'a pas été suivi et, à une ou deux prises de piano près (!), on ne l'entend plus guère. En guise de consolation, les autres lui laissent la conception d'un Ep-sketch de quatre titres ironico-parodiques qui devait être donné avec l'album, mais le label refusa.

Pour un coup d'essai, "TPO" est un coup de maître. Danny Kirwan s'est immiscé, Peter Green à son contact a évolué, les deux sont devenus complices et concepteurs de l'alchimie rêvée. Le titre donné à l'album scelle d'optimisme la nouvelle voie trouvée, mais la tournée américaine-chant du cygne qui suit va le rendre beaucoup plus ironique. Les problèmes existentiels de Peter Green dominent le décor. La chanson "Show-biz blues" les aborde : cirque médiatique, business, une réalité que le guitariste en pleine cure intensive de LSD a du mal à mettre en perspective. En 1970, à la sortie de "World in harmony", nouveau single dont la face B est le prodigieux "The green Manalishi" (le plus acide de leurs morceaux, frôlant les vingt minutes sur scène), Peter Green ne parvient plus à joindre les deux mondes, laisse le groupe en plan et s'engage comme infirmier psychiatrique en Angleterre. "TPO" n'aura pas de suite véritable. Fleetwood Mac (presque) mort continuera avec Kirwan en soliste (albums "Kiln house", "Future games" et le somptueux "Bare trees"), puis sans Kirwan (albums "Mystery to me" et "Penguin") jusqu'à l'arrivée des coiffeurs en 1975.

Le double album qui paraît aujourd'hui sous le nom de "Vaudeville years" est l'ensemble des inédits de la période Green/Kirwan, de fin 1968 jusqu'au départ de Pierre Vert en 1970. Douze titres jamais parus (dont le fameux "Ep" de Jeremy Spencer refusé par le label Reprise) et dix-neuf versions différentes de titres parus sur "TPO" ou précédemment. On relèvera particulièrement la version longue du splendide "Underway" (16 minutes !), celle des "Madge sessions" (18 furieuses minutes live en studio) publiée en deux courts extraits séparés sur "TPO", un "Show-biz blues" à ras du sol et "Do you give a damn for me" sa première mouture, un jouissif "Blues in B flat minor" (version instrumentale toute en reverb du "Before the beginning" de "TPO"), une relecture de "Love that burns" de l'album "Mr Wonderful" où Peter Green, mis en valeur par l'altruiste Danny Kirwan, démontre que son blues n'est pas juste "blanc", mais simplement de premier ordre, la voix habitée, la guitare sucrée et pénétrante. Et aussi, dans la foulée, l'extraordinaire et indispensable "The green Manalishi", en version studio, "Oh well" première version, la pépite instrumentale inédite "First talking woman blues", "World in harmony", dernier titre paru de Fleetwood Mac avec Green...

Une mine d'or pour les fous du groupe, qui laisse perplexe devant tant de promesses non abouties... (Un fantastique livret-livre).