Turning point

John Coltrane

par Sophie Chambon le 18/03/2008

Note: 8.0    

Cet album publié par les Anglais de Cherry Red sur leur catalogue jazz FiveFour n'est pas la réédition du "Turning point" de John Coltrane paru en 1957 sur Bethlehem (et réédité chez Affinity), bien que les sessions se soient suivi (novembre 1956 à août 1957 pour celui-ci, septembre à décembre 1957 pour le Bethlehem) et dans le même studio d'Hackensack, New Jersey de Rudy van Gelder, le futur ingénieur du son de toute sa période Impulse. Petite confusion donc, à laquelle le livret n'apporte aucun éclairage. Ces sessions sont cependant intéressantes, et son titre résume admirablement l'enjeu "Turning point" de 1957, charnière de l'œuvre du grand JC.

Après l'apprentissage chez Eddie Vinson et Dizzy Gillespie, et une période relativement troublée où les problèmes d'alcool et de drogue s'avèrent préoccupants, John Coltrane connaît enfin, entre septembre 55 et fin 57, une certaine célébrité en tant que soliste. Ses rencontres avec Miles Davis et Thelonius Monk auront été décisives et, aidé de sa famille et de ses amis, Coltrane réussira à décrocher de la drogue. Ragaillardi, il travaille encore plus sa musique et son premier enregistrement en tant que leader pour Prestige, a lieu le 31 mai 1957, un premier Lp, enregistré avec van Gelder, avec un petit budget, et qui montre une spontanéité, une fraîcheur des enregistrements sans "alternate takes".

On aime particulièrement dans cette série de prises de cette réédition-compilation, les trois titres qui proviennent de la séance de novembre 56 avec le quartet du pianiste Tadd Dameron avec Philly Jo Jones aux baguettes, sur des compositions du leader. Le son, la fluidité, le phrasé sont plus que prometteurs ("Soultrane" ). S'étant sorti d'une crise personnelle, le saxophoniste ténor, n'a qu'une idée, jouer une musique qui rende les gens heureux. D'où la réussite de ces prises, que ce soient ses propres compositions - le blues riff "Chronic blues" en mode mineur - ou celles d'amis "Bakai" de Cal Massey, car tout semble réussir au groupe où figurent Johnny Splawn à la trompette, Sahib Shihab au saxophone baryton, Paul Chambers à la basse, Albert Heath à la batterie, et au piano soit Mal Waldron soit Red Garland. Coltrane confiera plus tard que, "durant l‘année 1957, par la grâce de Dieu, j'ai connu un éveil spirituel qui allait rendre ma vie plus riche et spirituelle." C'est donc à un tournant de sa vie et de sa carrière, intimement mêlés que l'on doit ces séances.
Il est particulièrement émouvant de réécouter ces titres, où, même en sideman, aux côtés de Tommy Flanagan, pour donner encore une illustration réussie, on pressent qu'il ne s'arrêtera pas là, qu'il n'a pas encore donné la pleine mesure de son génie musical.