Silver & gold

Neil Young

par Francois Branchon le 20/05/2000

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
The great divide
Buffalo Springfield again
Distant camera


Après trente-cinq ans d'écriture de chansons, Neil Young reste un cas, avec une capacité intacte à se remettre en cause : en 1982 il s'invente en Kraftwerk azimuté ("Trans"), dégage d'une pichenette en 1990 tous les jeunes grunge ("Ragged glory"), revisite en 1992 son mythique "Harvest", l'album que tout boutonneux des seventies connait par coeur ("Harvest moon") ou dépose en 1985 les tables de la loi du country-folk ("Old ways"), avec surtout une veine créative qui jamais ne semble devoir se tarir.

"Silver & gold" obéit au principe "un homme, sa guitare et son harmonica" et pour le "background" ont été convoqués le fidèle Ben Keith à la pedal-steel guitar (un vétéran de Crazy Horse, présent depuis "Harvest"), Donald "Duck" Dunn, bassiste de Booker T. & The MG's (avec lesquels Neil Young tourne ponctuellement depuis 1996), Spooner Oldham au piano, Jim Keltner et Oscar Butterworth se partageant le tabouret derrière la batterie. Certaines des chansons du projet apparurent l'année dernière dans le poussif album de la reformation de Crosby, Stills, Nash & Young (les seuls sauvables de l'affaire), mais les meilleures sont ici. Dans la pure lignée "Harvest"/"Old ways", se posant en country-folk d'école, avec une voix faisant oublier sa faiblesse de la dernière sortie studio ("Broken arrow" en 1996), "Silver & gold" se donne tous les moyens de déchirer les coeurs.

Ouvrant l'album, l'autobiographique "Good to see you", qui met en scène le retour à la maison du chanteur parti sur les routes, posant son sac et lançant son "hello" dans le vestibule, inspire émotion et respect, lorsque Neil Young affiche son amour (envers Pegi Morton, sa compagne depuis plus de vingt ans et leurs deux enfants diminués mentaux). "Buffalo Springfield again", le plus rock des morceaux, né en 1998 lorsque Neil Young et Stephen Stills travaillaient à une rétrospective du groupe de leurs débuts (projet non abouti) rappelle les swinguants "Long may you run" ou "Mr soul". "The great divide", sommet de cet album, pourrait être au coeur de "Harvest moon", plongée sensuelle dans le romantisme à la Young, voix soyeuse, douce, rythmique effleurée, pedal-steel guitar légère (Ben Keith est un Dieu) répondant à un harmonium discret... tout simplement magique ! L'album défile ainsi, offrant de très beaux moments ("Distant camera", "Without rings"...), rappelant aussi les mélanges doux-amers de "After the gold rush".

Neil Young signe un splendide retour, source de plaisirs futurs (l'album se bonifie au fil des écoutes) et la vieille chanson des Yardbirds "Heart full of soul" le résumerait à merveille. Les amoureux de Pearl Jam et de Dinosaur Jr. séduits en 1990 auront en revanche probablement le mal de mer à l'écoute de ces ballades (hélas pour eux, le sac papier n'est pas fourni).