Younger than yesterday

The Byrds

par Damien Berdot le 24/06/2009

Note: 9.5     
Morceaux qui Tuent
Everybody's been burned
Renaissance fair
So you want to be a rock'n roll star
Thoughts and words


On dit souvent que les périodes de tension favorisent l'émergence des plus grands chefs-d'oeuvre. "Younger than yesterday", l'album le plus consistant des Byrds (et à ce titre, un album essentiel), en est une illustration. Quand ils l'enregistrent, en seulement 11 jours (du 28 novembre au 8 décembre 1966), les Oyseaux restent sur une année décevante. Leur single "Eight miles high", vite étiqueté "chanson de drogué" par les radios, n'a connu qu'un succès relatif ; et l'album "Fifth dimension" a connu le même sort. Pire encore : ils ont perdu au milieu de ces turbulences leur génie Gene Clark, fâcheusement cloué au sol (par une peur panique des avions !).

Que faire, alors, quand les échecs et le doute succèdent à des triomphes presque trop rapides ? La réponse : se multiplier, se déployer dans toutes les directions. Il y a d'abord dans cet album des choses propres à rassurer l'auditoire de base : les Byrds reviennent à Bob Dylan, pillant pour la quatrième fois "Another side of Bob Dylan", au grand dam de David Crosby qui y verra un retour en arrière. Cependant, "My back pages" n'est pas la moins bonne de leurs tentatives dylaniennes... Elle contient en germe le titre de l'album (et, partant, sa célèbre pochette) : "i was so much older then / I'm younger than now". Chanson protestant contre les protest songs, ainsi que le dira McGuinn. L'autre grande inspiration des Byrds des débuts, on le sait, fut la musique des Beatles. Et justement, Chris Hillman, révélant des talents de compositeur insoupçonnés (comme pour pallier le départ de Gene Clarke), donne avec "Have you seen her face" et "Thoughts and words" deux belles chansons beatlesiennes. La première, emmenée par une guitare acérée, n'aurait pas déparé sur "Help" (où figurait, significativement, "I've just seen a face"). La seconde juxtapose en trois minutes une descente pleine d'arpèges carillonnants (McGuinn, évidemment) et un refrain en choeur assombri par des bandes inversées à la "I'm only sleeping". Un remarquable clair-obscur ! Les deux autres chansons de Hillman seul, "Time between" et "The girl with no name", sont la première manifestation de la veine country-rock qui dominera "Sweetheart of the rodeo". Clarence White y tient déjà la guitare lead. On n'insistera jamais assez sur le rôle précurseur qu'ont eu les Byrds ont intégrant la country sudiste au coeur d'un album à dominante psychédélique. Les amateurs du film "Easy rider" ne nous contrediront pas...

Toutes ces chansons bénéficient de la production de Gary Usher, qui leur donne une grande luminosité. Mais le registre acide n'est pas oublié. Le titre inaugural, "So you want to be a rock'n roll star", une satire rageuse des moeurs de l'industrie du disque, fut écrit en réaction au succès des Monkees. La base, évidemment, est celle du blues-rock ; on s'étonne d'autant plus d'y découvrir des trompettes frénétiques, comme échappées d'un concert de mariachis. "Forever changes" avant l'heure... "C.T.A.", une ode naïve aux quasars, contient des bruitages synthétiques et des voix d'aliens déformées. David Crosby, surtout, offre deux chansons révolutionnaires : "Renaissance fair", un hymne flower-power inspiré par un festival de musique médiévale, et "Everybody's been burned", absolument extraordinaire, avec les arpèges profonds de Crosby, sa voix résignée, la basse incompréhensible de Hillman, le solo modal de McGuinn...

Il est juste regrettable que les marchandages au sujet du tracklisting aient desservi l'album. On ne pense pas à "Mind gardens", que McGuinn décriait comme étant sans rimes, sans mètre et sans rythme : Crosby, en troubadour hippie, brode en vérité par-dessus un entrelacs d'arpèges suffisamment étrange pour captiver l'auditeur. Par contre, "Why" est une conclusion indigne de l'album. Une version en avait déjà été publiée plus d'un an auparavant, en face B de "Eight miles high". Alors qu'il avait du matériel plus récent et plus approprié en réserve ("It happens each day"), Crosby insista pour la ressusciter, avec des arrangements plus pauvres, pour ne rien arranger ! Heureusement, cette réédition Colombia, soigneusement remasterisée, pourvue de six bonus tracks, permet de corriger le problème.