Diamond dogs - 30th anniversary edition

David Bowie

par Chtif le 15/07/2004

Note: 6.0    
Morceaux qui Tuent
When you rock'n'roll with me


1973 : Bowie plane bien au dessus des simples mortels. Il vient d’enfanter trois chefs-d’œuvre consécutifs, "Hunky dory", "The rise and fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars" et "Aladdin Sane", illuminant de sa grâce certaines des plus belles pages de folk, de rock et de jazz que l’on ait entendues ici bas. Sa carrière file au firmament dans un sillage de poudre d’étoiles…

1974 : dure redescente. D’hôtels de luxe en fêtes jet-set, d’extravagances en errances nocturnes, Bowie flippe et commence à batifoler avec l’autre versant, le sombre. Exit le glam, exit les paillettes, place au bad trip qui attendait son heure, tapi dans l’ombre. Car inutile de préciser qu’à cette époque, Bowie ne carbure pas qu’à la Vittel. Les relations avec son entourage se détériorent : après une dernière réunion pour l’album de reprises "Pin ups", le guitariste Mick Ronson part tenter sa chance en solo. Les autres Spiders le suivent. C’est dans ce contexte que Bowie découvre "1984" de Georges Orwell et trouve dans cette vision d’un monde totalitaire et oppressant l’écho de sa paranoïa naissante. Très impressionné, Bowie veut adapter le roman en comédie musicale, mais se heurte au refus de la veuve Orwell. A défaut, les compositions déjà écrites seront les fondations de son album suivant, "Diamond dogs", aujourd’hui réédité à l’occasion de son 30ème anniversaire.

La pochette est signée Guy Peelaert, auteur du fameux recueil d’illustrations "Rock dreams", et représente une créature quasi-mythologique mi-Bowie mi-chien que l’on croirait directement issue du "Freaks" de Tod Browning. Derrière la façade, le panorama angoissant d’une société aliénée, au cœur d’une cité sous contrôle. Les harmonies sont complexes, torturées à l’image des paroles, destructurées selon la technique d’écriture de William Burroughs, l’icône maudite de la beat generation que Bowie admirait et fréquentait régulièrement à l’époque.
Le disque s’ouvre sur un hurlement de bête, et sur cette phrase : "This ain’t rock’n’roll, this is genocide". Le ton est donné et l’on n’aura que peu de répit jusqu’à l’apocalyptique final "Chant of the ever circling skeletal family". Le chant sépulcral de "We are the dead" anéantit toute lueur d’espoir, le très soul "1984" étouffe l’auditeur sous ses arrangements foisonnants et un tantinet arabisants. "Big Brother", lui, a l’air plus désinvolte et attrayant, malgré son effrayante signification : les dictatures aussi diffusent leur propagande et se parent de leurs plus beaux atours pour mieux contrôler les masses… Heureusement la salvatrice ballade "When you rock’n’roll with me" permet à l’auditeur de ne pas sombrer complètement : une grande bouffée d’air, de quoi se maintenir à flots une vie durant.

On regrette tout de même que Bowie ait décidé, par défi, de jouer seul toutes les parties de guitares : l’absence d’envolées limpides à la Mick Ronson empêche le progressif et très (trop?) ambitieux "Sweet thing" d’atteindre les sommets que l’on aurait pu espérer. Il manque en outre une certaine cohérence entre les morceaux : les seul hits de l'album, les très stoniens "Diamond dogs" et "Rebel rebel" semblent perdus au milieu de ce disque aux trompeuses allures de concept album. Plusieurs bonus agrémentent cette réédition: des versions alternatives de "1984", "Rebel rebel", "Diamond dogs", dont certaines déjà connues des fans, la reprise "Growin’ up" de Springsteen, et le plus primesautier "Dodo". Sympa mais on reste un peu sur notre faim.

Ce disque est encore aujourd’hui le préféré de son auteur, mais cela ne lui aura pas remonté le moral. Il partira sur la route, décharné derrière le costume livide de sa nouvelle incarnation, Halloween Jack, et boira encore moins de Vittel. Sur l’album "David live" qui en témoigne, la plupart des morceaux de "Diamond dogs” se présentent sous un jour encore plus funky. La nouvelle métamorphose du bonhomme approche…