Electric tepee

Hawkwind

par Alric Mabire le 15/08/2009

Note: 8.0    
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A l'instar de Genesis ("And then they were three"), Hawkwind au début des années 90 est un trio : Dave Brock l’éternel, Alan Davey, arrivé en 1984/5 et Richard Chadwick, le tout récent batteur (depuis 1989). Le départ d’Harvey Bainbridge aura sonné le glas des années 80 et du son qui allait avec, malgré un dernier album brillant ("Space bandits" en 1990). Trio plein d’énergie : la tête du capitaine Brock déborde d’idées. Il assume désormais seul les guitares, et se partage les claviers avec Alan Davey. Au final, "Electric tepee" obtient la palme du plus long album studio jusqu’alors composé par le groupe (environ 1h15).

Le nom n'est pas anodin: Chadwick a des origines amérindiennes, et depuis "Space bandits", Hawkwind milite en faveur des populations indigènes d'Amérique du Nord, celles parquées dans des réserves. Par la musique qu'ils fournissent ici, les faucons veulent donc créer une antre traditionnelle, accueillante, un symbole culturel, le tepee, sur lequel viendrait se greffer l'essence musicale du groupe, l'électrique et l’électronique. Car il ne s'agit pas de jouer aux instruments folkloriques, dans un esprit New Age fortement en vogue à ce moment là.

D’entrée de jeu, l’album surprend : le morceau "Lsd" est un rock hypnotique extrêmement envoûtant, dans lequel la basse d'Alan Davey prend enfin une dimension essentielle. Elle n’en fournit pas seulement la structure, mais l'enveloppe dans un vrombissement imposant, à en faire presque de l'ombre à Lemmy. Résolument moderne, "Lsd", dans sa réédition remasterisée, semble avoir été composé cette année même, et si la guitare de Dave Brock y est en retrait, ce n'est qu'une illusion, frontière entre l'identité Hawkwindienne et ce que, beaucoup plus tard, les Finlandais de Circle créeront dans l'album "Taantumus". Ce morceau d'ouverture est encore la meilleure introduction au Hawkwind des années 90 : des paroles peu engageantes (la drogue n’a plus cette symbolique réjouissante de la première moitié des seventies), une texture "hard rockienne" (qui avait caractérisé les années 80) renvoyée trois cent ans en arrière, pour une approche que l'on sent inspirée par le grunge. Une fois habitués à la puissance sonore dégagée (et remise en valeur par cette réédition de Cherry Red) on est frappés par la cohérence de l'ensemble. Les pièces rock viennent se mélanger aux pièces électroniques ambiantes, extrêmement riches d'effets sonores et de trouvailles séquentielles. Contrairement à par exemple "Astounding sounds, amazing music", la frontière n'est pas si perceptible entre les deux types de compositions : elles se moulent l'une dans l'autre, prouvant de surcroît que les faucons sont encore capables d'innover après seize albums.

Quelques titres remarquables, parmi lesquels "Mask of the morning" (refonte de "Mirror of Illusion" présent sur le premier album) et "Right to decide" (le tube), piochent allègrement dans des influences pop rock anglaises, bien que menés par une rythmique assommante, et auraient pu passer en radio. "Secret agent", est peut-être le morceau le plus violent de l'ensemble, et rappelle "Images" sur "Space bandits". Il monte pourtant d’un cran par rapport à son prédécesseur, jouxtant des paroles comiques (à la Robert Calvert) à une trame sonore froide qui n'est pas sans lien avec "Extremities, dirt and various repressed emotions" de Killing Joke, sorti deux ans plus tôt. "Snake dance", plus calme, pièce motrice qui fait jouer le rock instrumental et les ambiances hypnotiques délivrées par les synthétiseurs des compères Brock et Davey et "Going to Hawaii" sont deux passages dans la cour d'Ozric Tentacles, s'inspirant de leur mix d'électronique trance et reggae associé à des éléments de musique du monde. Enfin "Blue shift" et "Death of war", sont parmi les meilleurs créations ambiantes d'Hawkwind, discrètes, sombres (la seconde avec son rire lointain, terrifiant), dotées d'une empreinte mélancolique.

Que dire donc de la réédition bienvenue proposée par Cherry Red sinon beaucoup de bien ! La remasterisation est remarquable, donnant toute son ampleur au jeu de basse si puissant d'Alan Davey, et rendant plus accessible les jeux sonores (effets cosmiques, audio generator et autres) qui ponctuent la progression musicale de cette oeuvre qui figure en très bonne place dans la discographie d'Hawkwind.