Sings the ballads of the true West

Johnny Cash

par Francois Branchon le 28/09/2002

Note: 10.0     
Morceaux qui Tuent
The Ballad of Boot Hill
A letter from home
The streets of Laredo


Il reste peu à dire sur Johnny Cash qui ne l'ait déjà été. Patriote ET rebelle, voix de baryton unique, raconteur d'histoires hors-pair et jeu de guitare lumineux ont fait de "l'Homme en noir" (le "Man in black") l'un des plus brillants auteurs-compositeurs interprètes. Mais Cash a quelque chose en plus, bien plus que simple chanteur country, il est dépositaire d'un bout de l'esprit américain, joueur qui franchit les lignes et les embrouilles, lié à Dieu mais pas à la religion, défenseur de la veuve et de l'orphelin, appelant un chat un chat. Depuis 1998 et "Solitary man" le volume 3 de sa série America, Cash connaît une renaissance, et quand à cette occasion il s'empare de chansons actuelles ("I see a darkness" de Bonnie Prince Billy, "One" de U2 ou "I won't back down" de Tom Petty) et les imbibe de sa voix unique, c'est pour les faire siennes, une seule de ses intonations valant en émotion deux douzaines de clips du gars Bono.

Columbia Legacy réédite par fournées son impressionnant catalogue, cette fois-ci "Sings the ballads of the true West", "Songs of our soil" et "Silver" (remastérisés, avec nouvelle présentation, notes de livret et quelques inédits). Le meilleur de ces trois, ce "Sings the ballads of the true West" date de 1965. Il fut un des premiers concept-albums (le "concept d'album concept" est une invention de Cash), l'histoire tout au long d'un double vinyle d'une famille migrant vers le Kentucky à travers les terres indiennes (une sorte de "Ok computer" à OK Corral), un vrai disque de "western" (un thème abordé l'année précédente en 1964 avec l'album "Bitter tears").

Débutant par la lecture de la "Vision" du chef indien Hiawatha, prédisant la capitulation des siens devant les blancs, Cash présente une perspective de la conquête de l'Ouest moins caricaturale qu'attendue (l'album est contemporain des séries Tv sixties manichéennes du genre "Rintintin", axées sur l'indien nécessairement fourbe et sournois). En lieu et place d'apologies de combattants en quête de gloire, Cash met en musique des règlements de comptes entre blancs chercheurs d'argent ("The Ballad of Boot Hill", ballade immaculée de Carl Perkins), le versant paternel de l'explorateur Daniel Boone ("The road to Kentuck"), le cimetière de Tombstone - son point de vue unique sur la vallée de l'Arizona et ses tombes de "pendus par erreur" (sic) - l'assassinat de John Wesley Hardin par le shérif John Selman ("Hardin wouldn't run"), insère une chanson demandée à sa mère Maybelle Carter (sublime "A letter from home"), s'attarde sur les arrière-plans de la Guerre Civile et les prisonniers de chaque camp envoyés combattre les Indiens ("Johnny Reb"), les tombes solitaires dans les champs ("Bury me not on the lone prairie"), la version américanisée du traditionnel anglais "The streets of Laredo", un portrait de Charles Guiteau, l'assassin du président Garfield ("Mister Garfield" de Jack Elliott)...

En 1965, Cash a 33 ans, en parait 15 de plus, une tronche cabossée de hors la loi ravagé par le speed et sort juste de taule pour avoir foutu le feu à un bois. Il est à la charnière entre ces deux âges où les traits se creusent, son personnage impose déjà sa stature, et sa voix, unique qu'il chante ou qu'il parle, n'a jamais été aussi belle. (Les deux titres inédits "Rodeo hand" et l'instrumental "Stampede" auraient pu le rester).