Live at The Matrix 1967 - The original masters

The Doors

par Francois Branchon le 22/10/2023

Note: 9.0     

Le 5 janvier 1967, les quatre Doors quiitent leur ville de Los Angeles et prennent la route de San Francisco dans deux voitures et un van VW. ils sont invités par Bill Graham; le patron du Fillmore, la grande salle de concerts qu'il a ouverte quelques mois auparavant. Le premier Lp des Doors est sorti la veille, le 4 janvier, mais Graham a déjà  entendu parler d'eux - les concerts garage rock éclatés au London Fog et au Whisky a Go Go de L.A. ont alerté les oreilles averties. Aussi veut-il les présenter à ses freaks de San Francisco. Il les booke pour deux soirs, le premier, où présentés comme des "visiteurs de Los Angeles" ils ouvrent pour Sopwith Camel et les pionniers du sunshine pop The Young Rascals. L'accueil sera mitigé, on grogne dans la foule, on murmure, on n'applaudit pas, ce qui vient de Los Angeles est un peu trop "business" pour Frisco. Le deuxième sera plus positif, établissant un vrai lien avec le public.

Car entre les deux sets, il y a eu l'après-midi au Golden Gate Park, pour un festival où le Grateful Dead, toujours partageur les avait convié. Ce jour-là la foule sous acide vient écouter comme d'habitude tout ce que SF compte de groupes (Jefferson Airplane, Quicksilver, Big Brother, G Dead, Charlatans, etc..), de poètes, Allen Ginsberg, Lawrence Ferlinghetti mais aussi Dr Pills Timothy Leary, qui vient y lancer une phrase devenue ensuite son emblème : "Tune in, turn on, drop out". Les Doors s'infiltrent, s'installent, se fondent. Le contact avec San Francisco fonctionne.

Le deuxième concert du Fillmore, sera suivi deux mois plus tard d'une semaine à l'Avallon Ballroom, l'autre salle de SF, tenue par Chet Helms, Les Doors s'imprègnent définitivement du psychélélisme de la ville, nul doute que les incroyables sonorités de "Strange days", le deuxième Lp qui paraitra en septembre suivant vont refléter à l'envi ces immersions.

Définitivement adoptés, les Doors se voient alors invités par Marty Balin (chanteur de l'Airplane) à venir passer après l'Avallon une semaine en mars au Matrix, le petit club qu'il a co-fondé dans le district de Marina Bay. Lieu de répétition pour l'Airplane, le club accueille aussi des groupes débutants (Quicksilver a débuté là, Steve Miller, Otis Rush aussi), mais c'est surtout le lieu cool pour la "famille" airplanienne. Ici on s'installe, au bord de la Baie, on avale un acide, on branche les amplis, et on voit, et on entend. Les Doors y jouent du 7 au 11, avec deux ou trois sets par jour selon l'humeur et l'état. Les chansons du premier album ("The Doors") y passent toutes, mais aussi certaines du second à venir ("Strange days") voire du troisième ("Summer's almost gone"). 
Mais ils innovent aussi et reprennent à tour de bras, des reprises parfois uniques, "Gloria" de Van Morrison, "Who do you love" (Bo Diddley) (une version apparaitra sur "Absolutely live"), "Rock me baby" (que l'Airplanre reprendra aussi) et "Woman is a devil" (BB King), "Get out of my life woman" (Allen Toussaint), "Close to you" (Willie Dixon) ou les plus inattendus "All blues" et "Bag's groove" de Miles Davis. Parfois, Morrisson file au bar et béat regarde son groupe, sur "Summertime" de Gershwin par exemple (Janis Joplin fera sa version l'année suivante).
Les Doors vont véritablement roder au Matrix ce qui deviendra leurs concerts-types de la fin 67 et de toute l'année 68, période de sortie des trois albums. 

Les "Matrix tapes" ont très longtemps été mythiques, quasi introuvables, même le gigantesque marché aux bootlegs d'Amsterdam dans les années 70 ne les proposait pas. Les Italiens ont publié un triple LP en 1990 (très mauvais) et un coffret longbox en 1994 avec cinq des dix sets, mais au son plus que pourri également.
C'est donc une grande nouvelle que Bruce Botnick (l'ingénieur du son maison des Doors) se soit attelé à une partie retrouvée des bandes master pour publier chez Rhino ce coffret de 3 Cd absolument indispensable. L'histoire des Doors sur scène, sans provocations, sans délires éthyliques, sans flics parasitant la salle, mais juste en musique commence ici.


A écouter ci-dessous la version de "Soul kitchen" au Matrix sur des images sans son du passage des Doors au Human Be-In du 7 mars 1967 au Golden Gate Park.

The DOORS Soul kitchen (Live at The Matrix March 10 1967)