The best of (1967-1971)

The Doors

par Francois Branchon le 25/05/2001

Note: 8.0    

Jamais chroniquer un album des Doors, fut-il le énième 'best of' concocté par les marchands du temple, ne me sera chose banale et innocente. Leur premier album fut également le mien. Seul 30 cm de ma jeune discothèque il usa bien ses deux saphirs en tournant jour et nuit pendant tout l'été 68, relayé à l'automne par son petit frère "Strange days". Une sur-écoute qui jamais ne vira à l'overdose, bien au contraire. Il semblait d'une magie inépuisable, gonflé d'irréalité derrière la voix aérienne et le son si fin, un disque venu d'ailleurs. Les Doors ne ressemblaient à rien de connu ou d'entendu, et si les premières bandes du groupe, publiées très tardivement, permettent de grosso-modo les classer parmi les garage-bands, le trio ensorcelé de chez Elektra qui les prit en main (Jack Holzman, Bruce Botnick et surtout Paul Rothshild) en fit une entité à part, totalement démarquée de la Californie d'alors, très acide, qu'elle fut de Los Angeles (Seeds, Love, Byrds) ou de San Francisco (Jefferson Airplane, Grateful Dead, Quicksilver). Les Doors, qui comme les autres mélangeaient chansons au format pop, blues (reprise de "Backdoor man" de Willie Dixon dès le premier album) ou ambiances de cabaret ("Alabama song" de Kurt Weil, également sur le premier), sentaient donc le mystère. Un mystère qui pour moi fonctionne toujours, même trente ans après la mort de Jim Morrison. Car, retombons sur terre, c'est de cela qu'il s'agit ici. Le 3 juillet approche et celui de cette année 2001 marque les trente ans de sa disparition. Alors chez Warner on s'agite, on sort la grosse Bertha marketing du garage et on canarde : deux 'best of' (un simple et un double), le double couplé (en série limitée) à des remixes technoïdes de "Riders on the storm", un live inédit ("Bright midnight") à paraître fin juin, un concert évènement à l'Olympia et un bouquin... Pour la rave au Père Lachaise, surveiller de près le duo Mariani-Vaillant du côté des grilles !! La sélection du double comporte 36 titres, aucun inédit (c'est un 'produit grand public'), commence inévitablement par "Light my fire" et se termine par...? Bravo, "The end". Entre temps on doit se taper "When the music's over", l'autre morceau interminable. Le livret est réduit au minimum syndical avec un bref texte qui n'apprend rien, une iconographie sans surprise (la séance photo de l'album "Waiting for the sun", mais... en noir et blanc !) et aucune indication sur l'origine des titres. Rêvons que Rhino ait été sollicité pour cet hommage et comblons les vides : tous les albums des Doors avec Morrison sont représentés sauf "Absolutely live" de 1968 : "The Doors" (7 titres, mais sans "I looked at you" et "End of the night"), "Strange days" (7, sans "Unhappy girl" mais heureusement avec "My eyes have seen you" !), "Waiting for the sun" (8, "Not to touch the earth" aurait avantageusement remplacé les inutiles "We could be so good together" ou "Wintertime love"), "The soft parade" (3, il ne mérite pas mieux, le fabuleux "Shaman's blues" est bien là, mais manque tout de même "The soft parade"), "Morrison hotel" (5, dont le fantastique "Waiting for the sun", mais où sont "Maggie M'Gill", "Land ho" et surtout "Indian summer" ??), "LA woman" (les quatre scies ultra convenues de l'album, négligeant les deux perles "Hyacinth house" et l'immense blues "Cars hiss by my window"). Avec "Whiskeys, mystics and men" (titre studio de 1970 publié dans le coffret de 1997), le single de 1969 "Who scared you" et le post-Morrisonnien "No me moleste mosquito" que les trois autres ont réussi à caser, le compte est bon. S'adressant à ceux qui ne connaissent pas les Doors, cette compilation est évidemment intéressante, malgré des enchaînements de titres plutôt capillotractés ("Love her madly" entre "Soul kitchen" et "Alabama song", aargh !).